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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

a de pauvres familles, à demi vêtues, qui, pendant des mois entiers, ont, pour seule nourriture, les warechs que la mer rejette sur leurs côtes ; mais chaque jour il se fait des pas de géant vers le mieux. L’Écosse n’est plus une terre rude et solitaire, peuplée de clans barbares, et toute couverte de bruyères, de maigres bouleaux, et de ces hauts chardons, emblème du pays[1] ; c’est une riche contrée, dont le soc du laboureur sillonne toutes les plaines, dont les collines sont couvertes de belles plantations et de cultures variées, dont les montagnes les plus sauvages nourrissent d’innombrables troupeaux, et que les grands chemins et les canaux traversent en tous sens.

Ce que le bras de l’homme avait commencé, la vapeur va l’achever. Des steamers pénètrent dans toutes les baies, visitent tous les lacs, et, comme autant de ponts mobiles, joignent l’un à l’autre tous les caps, toutes les îles, toutes les langues de terre, qui font de cette contrée singulière une sorte de continent. Les rail-ways remplacent les steamers sur la terre ferme ; les uns sont déjà en activité, comme ceux de Dalkeith et de Paisley ; les autres, tels que celui de Glasgow à Édimbourg, tracés sur une grande échelle, vont rapprocher les villes et en accroître la prospérité industrielle. Cette prospérité cependant est déjà merveilleuse. Prenons Glasgow pour exemple. Glasgow, il y a un demi-siècle environ, en 1780, comptait à peine quarante mille habitans ; Glasgow en compte aujourd’hui, en 1837, deux cent vingt mille au moins, ce qui fait un accroissement de population de plus de trois mille individus par année. Le commerce de Glasgow doit son origine au vaisseau chargé de harengs, qu’en 1668, Walter Gibson expédia dans un des ports de la France, et qui en revint chargé de sel et d’eau-de-vie, et Glasgow, de nos jours, a la Clyde et Greenock pour ports ; Greenock, la principale cité maritime de l’Écosse, dont les havres peuvent contenir plus de cinq cents bâtimens, et dont les vaisseaux font le commerce de l’Inde et de l’Amérique ; la Clyde, qui, le long de ses immenses quais, c’est-à-dire sur un espace de près de deux milles, voit s’amarrer un triple rang de navires.

La Clyde est la patrie première de la navigation à la vapeur. L’eau qui remplit la chaudière du premier steamer, et qui, se volatilisant, fit tourner sur les flancs d’un navire ces roues énormes que le bras d’un géant aurait eu peine à mouvoir ; cette eau fut puisée dans le lit de cette rivière qui n’était fameuse que par ses magnifiques cataractes (Corra Linn, Bonniton Linn, Dundass Linn). Le succès avait couronné la première grande expérience de Patrick Miller, en 1786, lorsqu’au grand étonnement des habitans des bords de la Clyde et de nombreux gentilshommes de ses amis qu’il avait réunis pour être témoins de ses essais, il remonta cette rivière sur un grand bâtiment sans voile, que la vapeur d’eau seule faisait mouvoir ; et cependant cette invention, dont les résultats n’ont pas de bornes, fut d’abord négligée. Ce ne fut qu’en 1812, long-temps après que Fulton, qui, dans un voyage en Écosse, avait vu le vaisseau de Patrick Miller, eut mis à profit ses expé-

  1. The true scottish thistle.