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dramatiques, M. Planard aurait pu faire un acte charmant à la manière des vieilles comédies italiennes. La musique de M. Ambroise Thomas convient à merveille au caractère du sujet, et, dans certaines scènes, révèle, chez le jeune maître, une verve bouffe excellente. Il y a, vers le milieu de la partition, un quintette digne en tout point d’être remarqué ; la mélodie en est vive, pétulante, originale, l’ordonnance adroite et simple tout à la fois, et l’harmonie fort heureusement traitée ; la phrase emportée, rapide, toute d’un jet que chante Mlle Prévost, a pour elle une franchise d’allure, une chaleur de mouvement qui vous entraîne. Cette phrase vaut les meilleures que M. Auber ait écrites en ce genre, et M. Auber en a de merveilleusement jolies, comme chacun sait. On trouve à chaque instant, dans la musique de M. Ambroise Thomas, des qualités généreuses, et qui, par malheur, deviennent de plus en plus rares chez les musiciens de ce temps ; je veux parler de la verve et de l’humeur comique. Le quintette et le duo que chantent les deux hommes sur le haut de l’échelle en font foi. Si M. Halévy, ou tout autre aussi peu doué que l’auteur de l’Éclair du vrai sentiment bouffe, avait eu ces deux scènes à traiter, assurément il ne s’en serait pas tiré de la sorte. On aurait donc grand tort d’attribuer à l’influence d’un sujet imposé la révélation de ces deux qualités dont je parle. Si M. Ambroise Thomas comprend la juste vocation de son talent, il travaillera désormais à donner à ses mélodies une forme plus neuve et plus originale, et persistera vaillamment dans le genre qui lui a valu l’autre jour son premier succès. Puisqu’il est dit que tout homme doit relever d’une école, en attendant que le public le proclame maître à son tour, je conseille à M. Ambroise Thomas de se ranger tout simplement du côté de Cimarosa. On se lasse aujourd’hui de ces tristes imitateurs de Beethoven, qui finissent, ou plutôt qui commencent tous par avorter dans le bruit et dans l’impuissance. Peut-être est-il plus glorieux désormais de chercher son succès dans la simplicité de la belle école italienne, plus glorieux parce que c’est plus difficile.


H. W.


La Maison rustique du dix-neuvième siècle est arrivée à ses dernières livraisons, avec un succès qui s’accroît chaque jour. La place de cet excellent recueil est désormais marquée. Il vient remplir le vide laissé dans l’enseignement pratique de l’agriculture et des sciences qui en sont l’accessoire obligé. L’ancienne Maison rustique de 1755, on le conçoit sans peine, ne pouvait plus offrir, en 1837, une grande sûreté de savoir sur beaucoup de points ; elle se taisait complètement sur un plus grand nombre d’autres que la science a de nos jours créés et perfectionnés. La Maison rustique du dix-neuvième siècle honore, par son exécution, les savans et les praticiens qui y ont concouru, et dote le pays de l’un des ouvrages les plus précieux qui aient paru depuis long-temps.


F. BULOZ.