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partie de dissertation et d’éloquence, de cette psychologie chrétienne qui forme comme une branche nouvelle dans la prédication réformée.

Dans le journal le Semeur, fondé depuis 1830, on a publié divers extraits de ces productions de M. Vinet, et il a de plus constamment enrichi cette feuille d’articles de psychologie religieuse, ou de littérature et de critique très fine et très solide, que son talent si particulier d’écrivain, et sa sagacité caractérisée de penseur, dénoncent aussitôt au lecteur un peu exercé et signent distinctement à travers tous les voiles anonymes[1].

Mais, avant ces divers travaux de littérature ou de religion, qui tendent toujours sans bruit à être des actions utiles, M. Vinet a eu dans le pays de Vaud un rôle plus animé, plus manifestement dessiné, et qui se rapporte précisément au temps de son Mémoire en faveur de la liberté des cultes. Dans cette patrie de Viret, d’un des plus onctueux et des plus charitables d’entre les réformateurs, il convenait que le réveil de l’esprit religieux, qui poussait peut-être quelques croyans ardens à la secte et au puritanisme, ne devînt pas une occasion, un éveil aussi de persécution, de la part de l’église établie, menacée dans sa tiédeur. M. Vinet, qui participait de tout son cœur à la revivification de la doctrine évangélique, mais qui ne donnait dans aucun excès, joua un bien beau rôle en cette querelle. Il fut, avec son ami M. Monnard, le principal défenseur de la liberté religieuse à Lausanne : il prit en main le droit de ceux qu’on persécutait, et dont il n’épousait pas d’ailleurs les conséquences absolues et restrictives. À l’occasion d’une brochure dont il était l’auteur, et dont M. Monnard s’était fait l’éditeur, ils soutinrent tous les deux un procès, et ils eurent un moment, sous forme de tracasseries qu’on leur suscita, quelque part à cette persécution si chère à subir pour ce qu’on sent la vérité.

On conçoit que le mémoire de M. Vinet en faveur de la liberté de tous les cultes, un peu antérieur, mais animé par une action si prochaine, était pour lui autre chose qu’une thèse philosophique où sa raison se complaisait : c’était une sainte et vivante cause ; et, à travers la surcharge des preuves et la chaîne un peu longue de la démonstration, à travers le style encore un peu raide et non assoupli, cette chaleur de foi communique à bien des parties de cet écrit, et surtout à la prière de la fin, une pénétrante éloquence.

Il en faudrait dire autant, à plus forte raison, de plusieurs bro-

  1. Les articles sur M. de La Rochefoucauld, sur M. Esprit, sur le Paradis perdu de M. de Châteaubriand, sur Arthur, etc., etc.