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thète de noble, qui lui était officiellement attribuée. Sur la condition des professeurs, je citerai le rescrit très curieux de Gratien[1], par lequel furent fixés les appointemens des professeurs de rhétorique et de grammaire, que l’empereur avait établis dans diverses villes de la Gaule, soin digne de l’élève d’Ausone.

Cet édit autorise toutes les cités qui portent le nom de métropole à choisir leurs professeurs. On voit qu’il s’agit d’écoles municipales, mot employé une fois par Ausone. Les appointemens sont fixés ainsi qu’il suit : 24 annones seront accordées par le fisc aux rhéteurs, et 12 aux grammairiens. L’annone était la paie d’un soldat romain.

Pour Trèves, comme c’est la ville impériale, les appointemens y sont portés à un taux plus élevé, à 30 annones pour un rhéteur, 20 pour un grammairien latin, 12 pour un grammairien grec, si on peut en trouver un qui mérite d’être nommé. On semble désespérer que la culture grecque puisse atteindre à cette extrémité germanique de la Gaule.

Les appointemens accordés au rhéteur Eumène par Constance paraissent avoir été plus considérables. La lettre par laquelle l’empereur le mettait à la tête des écoles, après qu’il avait rempli dans le palais impérial des fonctions qu’on réputait sacrées, était conçue dans les termes les plus flatteurs pour la nouvelle carrière d’Eumène. « Ne pense pas, disait Constance, que par ces fonctions tu déroges à tes dignités antérieures, car une profession honorable pare toute dignité et n’en abolit aucune[2]. » Tous ces témoignages s’accordent avec celui d’Ausone pour montrer quelle place les rhéteurs et les grammairiens tenaient dans la société du ive siècle.

Ces hommes formaient une confrérie lettrée dans l’empire ; ils faisaient un commerce perpétuel de vers, de discours, de questions, de complimens, sans tenir compte des différences de religion, sans s’occuper beaucoup des malheurs et des périls de la société romaine. Le chrétien Ausone entretenait une correspondance active avec Symmaque, qui fut le champion du paganisme contre saint Ambroise. Quelque chose de semblable s’est passé au xvie siècle, quand les érudits catholiques et protestans s’écrivaient sur des questions de science et de littérature au milieu des troubles de l’Europe.

Les rhéteurs et les grammairiens changeaient fréquemment de résidence. Si une ville faisait à l’un d’eux des offres avantageuses, il y

  1. Cod. Theod., xiii, iii, 2. Cité par Heeren, Geschichte der class. litt., tom. i, pag. 30.
  2. Eum. Oratio pro scholis instaurandis xv.