Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/748

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
744
REVUE DES DEUX MONDES.

cette catastrophe date d’hier, ou plutôt on pense y reconnaître la main de l’homme. Le maréchal croit pouvoir assigner la ruine du temple de Milet à l’époque où Constantin, dans son zèle barbare pour la religion chrétienne, ordonna la destruction de tous les temples du paganisme. Les passions de l’homme n’ont pas moins de puissance que le temps, pour renverser ce qui est debout.

Rhodes, où aborda le voyageur après avoir salué Cos, la patrie d’Hippocrate, et jeté un regard sur la côte de Gnide où Vénus avait un si voluptueux temple, vit sa gloire éclipsée, il y a trois cent quinze ans, quand les chevaliers de saint Louis, défenseurs de la chrétienté contre les Turcs, furent contraints d’abandonner une conquête qu’ils avaient possédée pendant deux siècles. Mais il semble qu’hier seulement a cessé leur puissance ; la rue des Chevaliers est intacte, la porte de chaque maison est ornée des écussons de ceux qui les ont habitées les derniers. Le maréchal, en se promenant dans cette rue silencieuse, pouvait se croire entouré des ombres de ces illustres porte-glaives. Rhodes, d’abord nommée par les Grecs Ophieuse, ou l’Île des Serpens, reçut un autre nom de l’abondance des roses qui s’y trouvaient. Du temps des Grecs, elle était maîtresse des mers voisines par sa puissante marine. Sa population s’élevait à quinze cent mille ames. Les califes s’en emparèrent, puis elle retourna à l’empire grec. Les Vénitiens la conquirent, mais ils en furent chassés par Jean Ducas. L’empereur Andronic n’y possédait plus qu’un fort, quand Foulques de Villaret, grand-maître de l’ordre de Saint-Jean, qui, chassé de la Terre-Sainte et de la Syrie, s’était réfugié à Chypre, eut la pensée de devenir maître de Rhodes : Philippe-le-Bel lui prêta secours, et en 1310 Rhodes tomba entre les mains de l’ordre de Saint-Jean. Mahomet II, qui avait conquis Constantinople, l’assiégea sans succès en 1480. En 1520, Soliman II s’en empara après un siége de près de six mois, et une résistance de la part des chevaliers, dont les observations militaires du duc de Raguse diminuent un peu la gloire. N’ayant pu s’arrêter à visiter toute la rive méridionale de l’Asie-Mineure, le voyageur cingla directement vers la Syrie, et arriva à Beyruth, l’ancienne Beryte.

Colonie de Sidon, Beryte devint une colonie romaine sous Auguste, et la ville la plus florissante de la Phénicie. À la fin du ive siècle, un tremblement de terre la renversa ; relevée, elle fut prise par le Sarrasin, enlevée par Baudoin, roi de Jérusalem, reprise par Saladin. Le sultan Amurath IV y vainquit l’émir Fakhr-Eddyn, prince des Druses, et depuis ce temps Beyruth appartient à l’empire ottoman.