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REVUE. — CHRONIQUE.

dehors de la sphère des partis. Mais sa nomination aurait rencontré des difficultés dans l’intérieur de la maison royale, et nous ne pensons pas que ce choix, dont la France n’aurait qu’à se féliciter, soit définitivement arrêté.

Quant au ministère anglais, il est toujours aux genoux de sa jeune souveraine, investi d’une confiance et jouissant d’un crédit que rien encore n’a ébranlés. Il se prépare, non sans quelque crainte, à la session prochaine, la première d’un parlement où sa majorité sera bien faible. Peut-être espère-t-il plus de ménagemens de la part des lords, et leur assentiment aux deux ou trois mesures capitales qu’il ne peut abandonner sans déshonneur, comme a semblé le promettre le duc de Wellington au nom de son parti, dans une déclaration fort remarquée à l’époque où elle fut faite. Ce qui justifierait cet espoir, c’est que depuis le duc de Wellington a continué à tenir le même langage, et tout récemment encore on le recueillait avec empressement de sa bouche au château de Windsor, où la reine, toute whig qu’elle est, et la nouvelle cour l’ont accablé de caresses, de prévenances et de flatteries.

Un colonel Vidaurre a fait au Chili, dans les premiers jours de juin, à la tête de quelques troupes qu’il commandait, une tentative de révolution qui a échoué, et dont nous ne parlerions pas, si elle ne se rattachait à des évènemens d’une grande importance, et ne devait probablement avoir de graves conséquences pour la majeure partie des nouvelles républiques de l’Amérique méridionale. La guerre était sur le point d’éclater entre le Chili et Buenos-Ayres d’une part, et de l’autre la confédération peru-bolivienne, composée de la Bolivie et des huit départemens de l’ancien Pérou, sous le protectorat du général Santa-Cruz. Cette guerre avait pour principal motif l’agrandissement subit de la puissance bolivienne et de Santa-Cruz, à la faveur des derniers déchiremens du Pérou. Par sa réunion avec la république voisine, sous l’habile gouvernement de l’ambitieux protecteur, la Bolivie, qui n’avait pas un port de mer, s’était avancée jusqu’aux rivages de l’Océan Pacifique, et menaçait de ce côté la suprématie maritime du Chili. Des ressentimens personnels s’étaient joints aux raisons politiques ; le parti dominant au Chili accusait le général Santa-Cruz d’avoir favorisé une expédition de proscrits chiliens contre le gouvernement actuel de leur patrie ; et le ministre de la guerre de cette république, don Diego Portalès, homme fort distingué d’ailleurs, ne pardonnait pas au général Santa-Cruz des talens et un bonheur qui l’avaient rendu l’arbitre d’un tiers de l’Amérique méridionale. Enfin, après quelques négociations inutiles, accompagnées, de la part du Chili, de procédés fort extraordinaires, Portalès avait déterminé son gouvernement à déclarer formellement la guerre au général Santa-Cruz, et entraîné dans sa querelle le général Rosas, président de la République Argentine (provinces unies de Rio de la Plata). Les choses en étaient là, et une expédition se préparait au Chili pour commencer les hostilités, quand a eu lieu le soulèvement dont nous avons parlé plus haut. Le colonel Vidaurre désapprouvait la guerre entreprise contre la Bolivie, et c’est un sentiment que l’on croit assez général dans la population. Mais, comme nous l’avons dit, ce soulèvement a été réprimé, les troupes insurgées ont été mises en déroute, et Vidaurre a pris la fuite. Cependant, comme le ministre Portalès, principal instigateur de la guerre, a perdu la vie dans ce mouvement, il est à présumer que le gouvernement du Chili changera de politique, et que la guerre sera au moins ajournée. Si