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LE PORTUGAL AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

Portugal, qui fut long-temps l’œuvre de son courage, ne tient désormais qu’à la défaillance de l’Espagne, et que l’unité sera le résultat final du mouvement péninsulaire, comme il en est manifestement le principe. Rien ne semble, en effet, plus propre à dénationaliser une contrée que les évènemens consommés en Portugal : à cet égard, les convenances dynastiques, les traités de commerce et d’alliance, les casus fœderis ou autres stipulations diplomatiques, ne prévaudront pas dans un avenir plus ou moins éloigné contre la force des choses.

Jusqu’à quel point la France est-elle intéressée dans les affaires de ce pays, quel est le véritable caractère des évènemens qui s’y développent, où en est la civilisation politique du Portugal ? questions dont la solution présuppose l’étude des deux élémens qui le partagent d’une manière encore plus tranchée que l’Espagne même. Ce pays est couvert de ruines impossibles à restaurer, mais solides encore. À côté d’elles se sont développées des influences modernes sans les pénétrer et sans les atteindre. Nous essaierons d’apprécier la valeur des unes et des autres.

Le royaume de Portugal, débris de la grande monarchie sarrasine, s’éleva au xiie siècle, sous une maison issue du sang royal de France. Les victoires des Alphonses lui assurèrent, dès les premiers temps de sa fondation, cette unité qui manque encore à l’Espagne, et les conséquences de ce fait primordial ne pouvaient manquer de se faire sentir dans son régime intérieur et durant tout le cours de son histoire. De là cette force de cohésion qui lui permit de résister à la puissante monarchie voisine ; de là la teinte uniforme de ses mœurs et de ses idées, avec lesquelles tranchent seules celles des deux grandes cités commerciales.

On ne trouve pas en ce pays, comme en Espagne, ces vastes centres d’attraction provinciale, ces villes l’emportant toutes sur la capitale par la puissance des souvenirs et rivalisant avec elle d’influences et de richesses. On y chercherait vainement ces contrastes de mœurs et d’origine, qui, tout dangereux qu’ils soient au point de vue politique, n’en donnent pas moins au sol des Espagnes un charme indéfinissable. L’étranger qui parcourt les domaines des rois catholiques ne sort pas d’une province pour entrer dans une autre, sans respirer dans un monde et comme dans un siècle nouveau. Les pays basques ont leurs habitudes libres et guerrières, Burgos et les Castilles leurs mœurs graves et sérieuses, Madrid ses traditions de cour encore imposantes, Tolède sa science théologique, la Manche ses mœurs agricoles, l’Andalousie sa grace et ses plaisirs