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monument funèbre, et il en avait déjà fait le dessin lorsque la mort le frappa lui-même en 1640.

Malgré sa conduite déréglée, Brauwer travailla beaucoup, et il a laissé un grand nombre de tableaux. La plupart sont de petite dimension et représentent des intérieurs de cabaret ou des rixes de paysans. Il est curieux de remarquer que ce peintre, qui, comme tous les hommes faibles de corps et timides de caractère, avait une grande admiration pour la force, s’est presque toujours plu à reproduire des scènes de violence. Ses paysans se battant au couteau et ses soldats s’égorgeant dans un mauvais lieu sont d’une vérité à faire peur. Du reste, toute la peinture de Brauwer respire cette verve d’action que les œuvres de Callot possèdent à un si haut degré, et qui manque parfois à Teniers. Celui-ci a plus de vigueur calme, une couleur plus reposée ; mais Brauwer l’emporte par le mouvement. Il y a quelque chose de fébrile dans ses compositions ; son coup de pinceau est à la fois ardent et convulsif ; on sent la nature débile qui s’exhale. Quant au dessin, il est comme celui de toute l’école flamande, moins élégant que vrai, moins correct que senti.

La France ne s’est point montrée plus juste envers Brauwer après sa mort que pendant sa vie. Elle avait accueilli le peintre avec mépris ; elle a oublié ses œuvres. Le Musée du Louvre, ce gueux superbe qui laisse encore voir tant de trous à son riche manteau, n’a point une seule toile de cet habile maître.


E. Souvestre