Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
DU POUVOIR EN FRANCE.

rent ou faites ou consenties par les organes du parti qui signa depuis le compte rendu.

Quelques amendemens sans portée, des économies de comptoir réclamées sur des traitemens, à l’instant même où l’on poussait à une guerre sans limite, voilà tout ce que sut inventer l’opposition de gauche, alors qu’elle avait la prétention de formuler un système. Est-il un seul nom de ce parti auquel s’attache l’initiative d’un plan politique et d’une réforme administrative vraiment applicable ? M. Barrot est, je le crois, un esprit trop distingué pour ne pas arriver à formuler un jour ses théories politiques et municipales ; mais il est aussi, je le suppose, trop consciencieux pour se refuser à reconnaître qu’il n’avait rien dans la pensée de parfaitement distinct à cette époque, et que les circonstances lui ont imposé un noviciat aussi heureux pour le pays que pour lui-même.

Il était moins compromettant et plus facile de varier, à peu de frais d’éloquence, le thème élastique des promesses de juillet, et de reprocher à l’administration qui rassurait enfin la France sur son avenir, la résistance qu’elle opposait à l’essor de pensées généreuses. Ne demandez pas quelle issue on entendait donner à ces vagues pensées, sous quelle forme elles devaient s’introduire dans la législation ; tout cela restait dans une prudente et mystérieuse confusion. Était-ce en évoquant d’ignobles symboles pour parodier de sang-froid le terrible délire d’une autre époque qu’on devait maintenir l’exaltation des trois journées ? Le ministère fut-il coupable pour épouser, contre des cerveaux malades et des imaginations dépravées, la cause de la civilisation et de la pudeur publique ?

Ces hommes, dit-on, étaient prêts à verser leur sang pour leur cause, et l’on doit quelque respect à des croyans disposés à devenir martyrs. Étrange confusion, triste et froid sophisme de nos jours de morte indifférence ! On n’est pas héroïque à si bon marché, messieurs. Des échappés de collége las du joug de la discipline, des ouvriers se dérobant à des travaux pénibles, aspirent à une existence moins monotone ; on expose le repos des gens de bien pour satisfaire une épouvantable monomanie de célébrité, pour conquérir des jouissances plus promptes et plus faciles, et parce que, dans cette lutte que l’orgueil et la corruption ont froidement ouverte contre la société, on joue sans crainte une vie qui vous pèse, et dont on ignore le prix devant Dieu, il faudra qu’on admire et qu’on salue comme de saintes victimes ceux qui se sont immolés aux intérêts les plus égoïstes et les plus vulgaires !