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DU POUVOIR EN FRANCE.

révolution à laquelle elle était restée parfaitement étrangère, et elle l’enregistra sans protestation ni murmure, dans le terrible lit de justice que tenait le peuple en armes. On lui prescrivit de répudier un tiers de ses membres, et elle les immola dans l’espoir de sauver le reste. Un tel pouvoir n’était déjà plus ; il avait succombé non dans une de ces défaites dont on se relève, mais sous le poids d’une impuissance qu’il n’essayait même pas de dissimuler.

La restauration avait conçu la pairie dans le sens de son principe ; elle y avait vu un moyen de reconstituer la famille, en lui assurant une perpétuité, émanation et reflet de celle du trône ; et quoique les circonstances y eussent heureusement jeté des hommes de tous les régimes, la pensée qui l’avait formé tendait à rattacher successivement à ce corps toutes les grandes existences, bien plus encore que les notabilités individuelles.

Les raisonnemens que l’on prodigua dans la discussion de 1831, pour établir que l’hérédité était indispensable à l’existence d’une seconde chambre, et que, sans elle, le contrepoids qui est de l’essence du régime constitutionnel serait détruit, soit au profit du trône, soit par l’ascendant de la chambre élective, ces raisonnemens, s’ils avaient été pris au sérieux, auraient eu le dangereux effet de faire douter de la monarchie représentative, bien plus que de ramener les opinions et les mœurs vers une institution aussi peu en rapport avec les unes qu’avec les autres.

Constituer des familles politiques dans un temps où la société ne se gouverne que par les influences les plus mobiles, était une entreprise contre nature, et aucune n’eut plus gravement compromis la jeune royauté qui y eût associé son sort. Celle-ci eût été contrainte de couvrir incessamment de sa protection et de sa force l’assemblée destinée à lui venir en aide. En révolution, rien de plus dangereux que la solidarité : ce fut l’attaque à la noblesse qui, en 89, entraîna la chute du trône ; et si la vieille constitution anglaise est aujourd’hui menacée, n’est-ce pas parce qu’elle est contrainte de combattre pour l’établissement religieux étroitement enlacé avec elle ? Son heureuse étoile a préservé la monarchie de 1830 du danger d’avoir à protéger une chambre héréditaire contre les attaques de la presse, les jalousies des classes moyennes et ses propres témérités ; elle n’a à défendre qu’elle-même, et c’est, après tout, la meilleure situation pour combattre.

Se figure-t-on bien, d’ailleurs, les notabilités de notre temps, généraux de la garde nationale, professeurs émérites, négocians en