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fonds déposés entre ses mains ; mais cette règle n’a jamais été appliquée. En 1833, lorsque le numéraire en caisse s’élevait encore à 10,209,000 livres sterling, les engagemens de la banque (liabilities), tant les billets émis que les dépôts reçus, formaient un total de 32,620,000 livres sterling. En 1836, le numéraire était descendu à 6,868,000 livres sterling, tandis que la valeur des engagemens était de 32,914,000 livres sterling : proportion du cinquième, au lieu du tiers. Les émissions n’avaient donc eu pour régulateur que l’action du public combinée avec le désir d’augmenter les profits, genre de séduction auquel la banque n’était pas plus insensible que tout autre établissement de crédit.

C’est le hasard qui a fait jusqu’ici les frais des règles suivies en matière de banque. Mais quel principe doit servir à les modifier ? Si un banquier pouvait être tenu de rembourser constamment, à la première sommation, tous les fonds déposés dans ses mains, le commerce qui consiste à prêter en masse l’argent que l’on reçoit en détail, le crédit, en un mot, serait impossible. Les profits du banquier consistent précisément en ce qu’il peut jeter dans la circulation, sous une autre forme, la meilleure partie des capitaux qui lui sont confiés ; sa sécurité vient de ce que tous les billets qu’il émet étant remboursables contre de l’or, le public n’en demande qu’à de rares intervalles le remboursement. Dans un moment de panique, il peut arriver que les demandes se multiplient. Jusqu’où peut aller cette terreur ? Nul ne le sait, car l’expérience du passé, en fait de crédit, comme dans les évènemens politiques, n’enseigne pas entièrement l’avenir, et le calcul des probabilités doit varier selon les époques et les contrées.

Dans notre opinion, l’on recherche les garanties de sécurité là où elles ne sont pas. Il importe bien moins à une banque d’accumuler une formidable réserve de numéraire, pour parer aux demandes imprévues, que de fortifier le crédit de l’établissement, pour rendre l’imprévu impossible, et d’ajouter à la confiance du public.

D’où vient que la monnaie d’or et d’argent conserve sa valeur dans toutes les situations de l’état et de l’industrie, sinon de ce que chacun sait que la valeur dont ces espèces sont le signe ne recevra point d’altération ? Si la dernière crise n’a point affecté le cours des fonds publics, n’est-ce pas encore parce que l’on est aujourd’hui convaincu que l’état, quand il le voudrait, ne pourrait pas se dispenser de tenir ses engagemens ? Plus on élèvera la responsabilité des établissemens de banque, plus on leur fera partager cette solidarité sociale qui lie l’état au pays, et plus on les aura mis à l’abri de ces effroyables