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LA NUIT D’OCTOBRE.

Et cependant, auprès de ma maîtresse,
J’avais entrevu le bonheur.
Près du ruisseau quand nous marchions ensemble
Le soir, sur le sable argentin,
Quand devant nous le blanc spectre du tremble
De loin nous montrait le chemin ;
Je vois encor, aux rayons de la lune,
Ce beau corps plier dans mes bras…
N’en parlons plus, — je ne prévoyais pas
Où me conduisait la Fortune.
Sans doute alors la colère des dieux
Avait besoin d’une victime ;
Car elle m’a puni comme d’un crime
D’avoir essayé d’être heureux.

LA MUSE.

L’image d’un doux souvenir
Vient de s’offrir à ta pensée.
Sur la trace qu’il a laissée,
Pourquoi crains-tu de revenir ?
Est-ce faire un récit fidèle
Que de renier ses beaux jours ?
Si ta fortune fut cruelle,
Jeune homme, fais du moins comme elle,
Souris à tes premiers amours.

LE POÈTE.

Non, — c’est à mes malheurs que je prétends sourire.
Muse, je te l’ai dit ; je veux, sans passion,
Te conter mes ennuis, mes rêves, mon délire.
Et t’en dire le temps, l’heure et l’occasion.
C’était, il m’en souvient, par une nuit d’automne
Triste et froide, à peu près semblable à celle-ci ;
Le murmure du vent, de son bruit monotone,
Dans mon cerveau lassé berçait mon noir souci.
J’étais à la fenêtre, attendant ma maîtresse ;
Et tout en écoutant dans cette obscurité,
Je me sentais dans l’ame une telle détresse,