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LE LÉZARD DE SAINT-OMER.

épieux et les arbalètes, et n’oublions pas les fascines et le soufre, pour pouvoir, au besoin, enfumer la bête dans son trou. Avec cela et quelques limiers, la chasse ne sera pas longue, et il faut déjà songer à préparer la buvette. Holà ! père cellerier, faites mettre deux brocs de vin à rafraîchir ; nous serons de retour dans une heure. Monsieur l’abbé, faites-nous donner des pinces de fer pour soulever la pierre, quelques solives pour la soutenir, et une demi-douzaine de fagots.

Tout était prêt depuis long-temps que Wolfskruyt n’avait point encore paru ; il vint enfin, jurant et pestant contre tous ceux qui l’avaient retardé. D’abord il avait fallu batailler avec les échevins, pour obtenir la quantité d’armes nécessaires ; puis, le Mayeur, qui entretenait une meute, pour se donner des airs de grand seigneur, avait voulu qu’on essayât ses limiers contre la bête inconnue, et près de deux heures s’étaient passées avant qu’on les eût amenés des champs. Pour comble de contrariété, le chevalier, en rentrant au couvent, trouva complètement ivres les trois hommes qu’il y avait laissés, et, comme le jour baissait déjà, il sentit qu’il était indispensable de remettre la partie au lendemain.

Il voulut cependant, avant la nuit, visiter encore une fois les lieux ; ce fut pour lui l’occasion d’un nouveau désappointement. Il vit qu’il n’y avait à attendre des chiens aucun secours. D’abord, pleins d’ardeur, ils l’avaient précédé ; bientôt ils ne firent plus que le suivre, la queue serrée et l’oreille basse ; enfin, arrivés sur le seuil, ils s’arrêtèrent tout court, hurlant piteusement, et il fallut que le valet de meute vînt les reprendre, car seuls ils n’osaient ni avancer, ni reculer.

Wolfskruyt n’était pas homme à se laisser effrayer par de mauvais présages, ni rebuter par des contre-temps imprévus ; il examina avec une attention minutieuse la voûte, les murailles, le carreau, et jusqu’au crochet où l’on suspendait les viandes. Ce crochet, qui se guindait au moyen d’une poulie, était élevé de dix pieds au moins au-dessus du sol. Comment le voleur, en supposant que ce fût un animal, pouvait-il atteindre à cette hauteur ? Cette réflexion, qui se présentait à notre homme pour la première fois, l’occupait encore lorsqu’il entendit quelqu’un approcher ; c’était Anselme qui venait le rejoindre. Le courage du bandit avait excité l’admiration du moine, éveillé ses sympathies et peut-être piqué son amour-propre ; son arrivée d’ailleurs ne contrariait nullement le chevalier, qui lui communiqua ses remarques et alla jusqu’à lui demander des conseils ; bref, ces deux hommes, si différens de mœurs et de caractère, trouvèrent