Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
240
REVUE DES DEUX MONDES.

en subtilités qu’il croit embarrassantes, et qu’un seul mot de bon sens, comme les discours dont il était le plus satisfait lui en ont souvent attiré de la part des vrais homme d’état, réduit en poussière. Et puis M. Mauguin a le malheur de ne pardonner à aucune supériorité et de ne se plier à aucune discipline ; sa parole n’a pas assez d’autorité pour en faire le chef de l’opposition ; il le voit et le sent bien ; mais, au lieu de prendre son rang qui pourrait encore être assez beau, il aime mieux marcher isolé, courir un peu à l’aventure le long des flancs de la colonne, batteur d’estrade parlementaire qui gêne, qui harcèle et ne porte pas de bien rudes coups, que ses adversaires ne redoutent guère, et que ses alliés naturels de l’opposition voient sans trop de chagrin se fourvoyer loin d’eux et considèrent à peine comme un des leurs. La réélection de M. Mauguin est, disons-nous, très douteuse. Il a pour concurrent à Beaune, M. Marey, colonel des spahis, un des plus brillans officiers de notre armée, et ce qui vaut mieux, parce que c’est plus rare, un excellent organisateur. M. Marey est un petit-fils du célèbre Monge. Il se trouve actuellement à Beaune, où l’on dit que la franchise de ses allures militaires, sa réputation de bravoure et de capacité, son langage loyal et droit, ont le plus grand succès.

Au reste, les candidatures n’ont jamais été plus nombreuses. Toutes ne nous paraissent pas également fondées ; toutes ne se recommandent pas également par les meilleurs titres, par ceux dont la réunion doit entraîner les suffrages de la majorité des électeurs. Mais s’il y a, comme toujours, beaucoup de prétentions sans titres suffisans, il y a aussi beaucoup plus d’ambitions méritantes et honorables qu’à l’ordinaire, et c’est la marque d’un véritable progrès dans les mœurs du gouvernement représentatif. Nous concevons qu’au milieu de tant de candidatures, l’administration se trouve quelquefois embarrassée dans l’exercice de sa légitime influence, et se condamne à rester neutre en plus d’une rencontre. C’est, en vérité, ce dont on ne saurait la blâmer sans lui faire un crime de sa prudence ou de sa probité même.

Il résulte néanmoins de tout ceci que le caractère de la chambre prochaine ne pourra être apprécié d’avance sur la seule donnée de sa composition. Elle sera dynastique et constitutionnelle, il n’y a pas à en douter ; mais en temps ordinaire, et quand la lutte est finie, ce n’est pas tout ; il reste à savoir quelle sera dans ces limites sa tendance particulière. Une chambre nouvelle sentira le besoin de s’établir dans l’opinion, comme vis-à-vis d’elle-même, et pour cela elle voudra faire quelque chose qu’on ne sait pas encore. Le grand art du gouvernement sera de pénétrer cet instinct latent pour le diriger et lui donner son cours. C’est ce qui prêtera un vif intérêt aux premières épreuves de la session. Le ministère en a, cette année, fixé l’ouverture à une époque un peu plus avancée que de coutume. Est-ce pour donner un commencement de satisfaction aux députés, qui se plaignent en général de ce que les sessions s’ouvrant fort tard, les travaux législatifs les retiennent à Paris jusqu’au mois de juillet ?

Après de longs et pénibles tiraillemens, une partie de l’opposition est enfin parvenue à former le comité électoral depuis si long-temps annoncé. Nous disons une partie, car ce n’est pas l’opposition tout entière que ce comité représente, puisque M. Odilon Barrot n’en est pas et n’a pas voulu en être ; et nous ne disons pas l’opposition dynastique et constitutionnelle, puisque M. Garnier-Pagès y donne la main à M. Mauguin, et que M. de Cormenin