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Dans tout le royaume, l’agitation était extrême ; l’Écosse surtout semblait prête à courir aux armes. Les révolutionnaires français comptaient même déjà sur la puissante diversion que devait faire en leur faveur le soulèvement de l’une des plus importantes provinces d’un état qui menaçait de prendre les armes contre eux. Mais, dans cette circonstance, les républicains français, auxquels on ne peut cependant refuser l’habileté politique, étaient entièrement dans l’erreur. Ils s’arrêtaient à la surface, et ne pénétraient pas les mobiles qui faisaient agir les conventionnels écossais, ni la portée de leur action. Ils n’avaient pas assez étudié le caractère écossais, qu’ils se figuraient trop volontiers formé à l’image du leur. Le caractère écossais diffère du caractère anglais ; il est moins rassis, plus intelligent, plus oseur. L’Écossais a certainement quelque chose du Français ; il sent vivement, il saisit rapidement ; mais il n’est pas cependant, comme le Français, l’homme du premier mouvement ; il est plus calculateur et plus intéressé. Quelles que fussent les déclamations des mécontens, l’Écossais sentait tout ce qu’il avait gagné à l’union ; aussi, dans ces circonstances critiques, si quelque reste de l’ancien levain fermentait dans les cœurs, il ne se fit pas jour, et pas une voix ne s’éleva dans le pays pour demander, comme en Irlande, le rappel de l’union. Seulement, comme on était mécontent de l’insuffisance de la représentation écossaise et du manque d’équité de la législation criminelle, on le proclamait hautement, et on réclamait des priviléges plus étendus et une autre législation. Différent en cela de beaucoup de peuples en arrière des institutions dont on les a dotés ou dont ils se sont dotés eux-mêmes, le peuple écossais, intelligent, ami du savoir, penseur même, se sentait de beaucoup en avant des gothiques institutions qui le régissaient. Il comprenait aussi qu’il n’avait pas le pouvoir politique qu’il se croyait et qu’il se savait en droit d’exiger. Il se voyait exploité au profit de quelques intrigans sans pudeur, de quelques grands seigneurs sans pitié ; il s’indignait, et il lui tardait qu’un tel état de choses eût une fin.

Mais, nous l’avons dit, en Écosse comme en France, et plus que dans l’Angleterre proprement dite, ce qui poussait avant tout à un grand changement et peut-être à une révolution, c’était l’intelligence.

L’Écossais, comme le Français, comprend tout et comprend vite ; son tour d’esprit est éminemment littéraire. Il aime l’histoire, l’histoire du passé, l’histoire écrite qu’il lit et pour laquelle il se passionne, l’histoire présente dans laquelle il veut vivre. De nos jours, l’esprit écossais est certainement plus littéraire encore que ne l’est l’esprit