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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

la canaille (rabble), qui n’a guère que la propriété de sa personne, quelle sécurité voulez-vous qu’elle inspire à la nation ? quelle caution a-t-on de l’acquittement des taxes qu’elle doit payer ? Ces gens-là peuvent charger leur propriété tout entière sur leur dos, et quitter le pays en un clin d’œil. Ceux qui possèdent le sol ne peuvent pas déloger ainsi… La tendance de toute la conduite de l’accusé n’était propre qu’à pousser le peuple à la révolte, ajoutait-il ; si l’on n’eût pas accordé ce qu’il demandait, il l’eût pris de force… Je n’ai pas le plus petit doute, disait Braxfield en terminant, que les jurés, convaincus, comme moi, de la culpabilité de l’accusé, ne rendent un verdict qui ne peut manquer de les honorer. »

Quand le lord de justice eut achevé, la cour se retira, et après quelques heures de délibération, Gilbert-Innes de Stow, chef du jury, prononça un arrêt qui déclarait Thomas Muir coupable du crime de sédition. Cet arrêt fut rendu à l’unanimité. Quelle peine, maintenant, devait-on infliger au séditieux ? Henderland, lord avocat d’Écosse, après s’être récrié contre l’énormité de la faute, adressa au tribunal les observations suivantes, qui donnent une idée assez juste de ce qu’était en Écosse la législation criminelle il y a moins de cinquante ans, de ce qu’elle est à peu près encore de nos jours, et de la manière de raisonner des magistrats écossais. « Le simple bannissement n’était pas suffisant ; il n’aurait pour résultat que d’envoyer dans un autre pays un homme qui, là encore, saurait exciter le même esprit de trouble et de mécontentement, et qui, de loin, sèmerait la discorde à pleines mains ; le fouet était trop sévère et trop ignominieux, appliqué surtout à un homme du caractère et du rang du coupable. Quant à l’emprisonnement, on ne pouvait guère le considérer que comme une peine temporaire ; une fois le criminel dehors, il recommencerait de plus belle à troubler le bonheur du peuple. Il ne reste donc plus qu’une seule peine infligée par notre loi, disait Henderland, et mon cœur saigne à la seule idée de prononcer un mot si cruel… Cette peine… c’est la déportation. Appeler un tel châtiment sur la tête du coupable, c’est un devoir bien pénible à remplir… Il est sans doute extraordinaire qu’un homme (gentleman) de la façon, de la profession et du talent du coupable, ait commis une faute assez grave pour mériter un jugement si rigoureux ; mais il n’y a pas à hésiter, sinon quelle assurance aurait-on à l’avenir contre ses manœuvres ? L’éloigner de son pays, c’était le seul moyen de l’empêcher de faire du mal plus long-temps. » Sa seigneurie était d’avis cependant que l’accusé fût détenu jusqu’à ce qu’une occasion s’offrît de le déporter dans le