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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/350

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REVUE DES DEUX MONDES.

complissement du plus sacré des devoirs, comme le paiement de sa dette envers son pays outragé. Ces sentimens dirigeaient la conduite de notre divin maître, quand il prophétisait en pleurant sur sa ville. « Ô Jérusalem ! Jérusalem ! s’écriait-il ; toi qui lapides les prophètes et qui égorges ceux qui te sont envoyés ! que de fois cependant je t’aurais réchauffée sous mes ailes comme la poule réchauffe ses petits ! mais tu ne l’as pas voulu ! »

Faisant ensuite allusion à ses efforts personnels pour provoquer la réforme de la représentation nationale, Gerald continue ainsi : « Quand je plonge mes regards dans l’horizon politique, la vue m’en semble effrayante et sombre à un degré qui doit faire trembler les hommes les plus purs, et que ne peuvent essayer de pénétrer les hommes les plus clairvoyans. Chaque chose est trouble, et semble de dimension colossale. En vérité, jamais brouillard plus épais ne fut suspendu sur notre île. Ceux qui sont versés dans l’histoire de leur pays, dans l’histoire de la race humaine, savent que la persécution la plus rigoureuse a toujours précédé l’ère des convulsions ; et cette ère, l’aveuglement et la folie de ceux qui nous gouvernent en précipiteront la venue. Si le peuple est mécontent, la meilleure manière d’apaiser ce mécontentement, ce n’est pas d’établir des tribunaux rigoureux et sanguinaires, mais de redresser les torts dont il se plaint, et de se concilier son affection. On peut appeler en aide aux vengeances ministérielles les cours de justice ; mais si la pureté de leurs actes est une seule fois suspectée, ces cours cesseront aussitôt d’être pour la nation des objets dignes de respect ; elles dégénéreront en une vide et coûteuse représentation, et deviendront dans les mains d’un parti des instrumens d’oppression. Que l’on fasse de moi ce que l’on voudra, mes principes vivront à jamais ; les individus peuvent périr, mais la vérité est éternelle. Le vent rude et glacial de la tyrannie peut souffler des quatre coins du monde, la liberté est une plante forte qui survit à la tempête, et qui enfonce son éternelle racine dans les terrains les plus arides et les plus sauvages !

« Messieurs, je suis entre vos mains, vous pouvez disposer de ma vie, et je n’éprouve pas la plus légère anxiété. Ma vie… j’en ferais le sacrifice avec joie, si ce sacrifice pouvait être utile à ma cause ; car, je le sais, si je succombais aujourd’hui, il sortirait de mes cendres une flamme qui dévorerait les oppresseurs de mon pays.

« La lumière morale brille aux yeux de l’esprit comme la lumière physique aux yeux du corps ; les tyrans ne peuvent pas plus éteindre le flambeau de la raison et de la philosophie qu’ils ne pourraient