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RÉFORMISTES D’ÉCOSSE.

leurs recherches, et Muir fut déposé sur le rivage espagnol avec les autres blessés. Le 14 août 1797, il écrivait à un de ses amis les lignes qui suivent :

« Cher ami, depuis la mémorable soirée où je te quittai à……, ma vie mélancolique et agitée n’a présenté qu’une succession continuelle d’évènemens extraordinaires. Je pense cependant vous revoir dans peu de mois. Contrairement à mon attente, je suis presque guéri de mes nombreuses blessures. Les directeurs m’ont témoigné le plus grand intérêt. Leur sollicitude pour un infortuné si cruellement accablé a été un baume consolateur qui a relevé mes esprits abattus. Les Espagnols me retiennent prisonnier, parce que je suis Écossais ; mais je ne doute pas que l’intervention du directoire de la grande république n’obtienne ma liberté. Rappelez-moi affectueusement à tous mes amis, qui sont les amis de la liberté et de l’humanité.

« Th. Muir. »

On voit quelles étaient toujours les sympathies de Muir. La persécution et le malheur n’avaient pas attiédi son zèle, ni ébranlé sa foi. Muir, réclamé comme Français, s’achemina vers Paris. L’accueil que lui fit le directoire fut digne de la grande république. L’arrivée de Thomas Muir à Bordeaux fut célébrée par une fête populaire ; une foule immense l’accueillit aux cris de vive le défenseur de la liberté ; la fête se termina par un banquet. Les patriotes français fêtaient de leur mieux le réformiste écossais, l’avocat de la liberté, le fils adoptif de la France. Le Moniteur du 16 frimaire an vi annonce en ces termes son arrivée à Paris : « Thomas Muir est arrivé à Paris ; le ministre des affaires étrangères l’a accueilli avec les égards dus à son grand caractère, aux services qu’il a rendus à la liberté, et aux maux qu’il a endurés en défendant cette cause sacrée. » Tout ce que la capitale de la France renfermait alors d’hommes éminens, d’esprits distingués et généreux, voulut voir Muir et le complimenter ; tous s’efforçaient de lui faire oublier les peines de l’exil et de lui faire aimer sa nouvelle patrie. Muir fut sensible à un aussi noble accueil ; mais sa constitution était ruinée ; les blessures qu’il avait reçues au fatal combat de Cadix s’étaient rouvertes et étaient reconnues incurables ; après plusieurs mois de vives souffrances, il expira le 27 septembre 1798. La tombe qui renferme ses restes s’élève dans le cimetière de Chantilly, où il s’était retiré pendant les derniers mois de sa vie. Sur son lit de mort, sa dernière pensée fut pour sa mère ; il lui renvoya la petite bible qu’il en avait reçue en quittant l’Écosse,