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porteur de promesses administratives, ne transige pas précisément avec le ministère ; seulement, entre deux candidats qui le touchent aussi peu l’un que l’autre, il laisse pencher la balance du côté où l’incline son intérêt.

La plaie de notre époque et de notre pays, c’est encore moins la corruption des consciences que le silence de l’esprit public. Le gouvernement représentatif n’a pas une date assez ancienne chez nous, pour que la gangrène en attaque ainsi le tronc. Nous péchons beaucoup plus par défaut de lumière que par absence de vertu. Ce qu’il faut éviter, on le prêche par-dessus les toits ; et ce qu’il faudrait faire, nul ne le sait ou du moins ne le dit. Peu de passions mauvaises, mais aussi point de sentimens généreux ; la société reste sans impulsion comme sans direction.

L’opposition n’a d’abord entrevu qu’à demi ces nécessités de la situation, d’où naissaient pour elle des devoirs nouveaux. Sa première pensée fut de réunir encore une fois les deux fractions du parti parlementaire, la gauche modérée et les puritains de l’extrême gauche, dans une profession commune de dévouement à la monarchie. Elle voulait aborder les électeurs avec cette déclaration, qui eût réparé du moins la faute du compte-rendu, en excluant ouvertement le parti républicain. Le manifeste devait paraître sous les auspices de M. Laffitte et de M. Odilon Barrot. Il avait été rédigé, arrêté, et il n’y manquait plus qu’un certain nombre d’adhésions à recueillir. Le comité était entré en fonctions ; il avait nommé son pouvoir exécutif, lequel venait aussi de se mettre à l’œuvre ; M. Barrot était parti pour la Hollande, plein de confiance et de sécurité, lorsqu’un des auteurs de la coalition proposa d’y comprendre le parti républicain. Huit jours après, le comité de l’alliance était dissous.

Il n’entre pas dans notre plan de revenir sur les circonstances de cet avortement, qui nous semblent suffisamment connues du public. Mais qu’il nous soit permis de dire que nous l’avions prévu. Les alliances naturelles de M. Barrot sont dans le centre gauche, celles de M. Laffitte dans le parti radical. Celui-ci ne pouvait prendre place au comité sans en ouvrir l’entrée à la république, ni celui-là sans y appeler la nuance vive du tiers-parti. Il fallait étendre la coalition depuis M. Dupin jusqu’à M. Garnier-Pagès, ce qui était impossible et ridicule, ou, ce qui était inévitable, se séparer définitivement. Après deux mois de tâtonnemens et de débats intérieurs, grâce à l’insistance de la presse et à la fermeté de M. Odilon Barrot, la séparation s’est accomplie.