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L’OPPOSITION ET LE PARTI RADICAL.

se rapprocher du parti ministériel. Le rapprochement ne serait ni possible, ni convenable ; et nous aimons à croire que M. Mauguin, dans la position de M. Odilon Barrot, traiterait avec le même dédain un semblable avertissement. Ce qui est vrai, c’est que l’opposition, n’étant plus retenue par les mêmes embarras et ne rencontrant plus les mêmes obstacles, son attitude doit infailliblement changer ; nous dirons en quoi.

Les élections prochaines ne s’annoncent pas comme devant opérer un déplacement notable dans les opinions. Les partis extrêmes y perdront ; quelques hommes nouveaux seront amenés sur la scène, et les députés réélus reviendront, nous ne dirons pas plus concilians, mais avec des dispositions plus franches à l’impartialité : cela suffit pour substituer, dans le travail parlementaire, les affaires aux passions. La session qui va s’ouvrir, si nous voyons juste, n’aboutira politiquement qu’à l’exclusion définitive de M. Guizot. Le centre droit cessera d’être le pivot de la majorité.

Nous ne croyons pas que M. Thiers songe à renverser le ministère ; et M. Guizot ne le pourra pas. Le cabinet se présente aux chambres, protégé par l’éclat d’un succès militaire, genre de séduction auquel l’opinion publique résiste difficilement. Il trouvera les députés indécis, sans alliances formées, sans engagement pris, et au milieu de ces tâtonnemens qui ne produisent d’abord que des majorités d’occasion. Tout faible qu’on croie le ministère, il est probable qu’il traversera la session. M. Molé a donné l’amnistie, et a fait prononcer la dissolution de la chambre ; il a servi de transition entre la domination du centre droit et celle du centre gauche ; il a favorisé avec habileté la décomposition et le renouvellement des opinions ; mais là peut-être finira sa mission. C’est un assez beau rôle que celui de fermer et de combler le passé.

Le centre gauche deviendra probablement la base de la majorité, car le centre gauche, c’est le pays avec ses instincts révolutionnaires et ses incertitudes politiques : une tendance plutôt qu’un parti. Les chefs de cette fraction de la chambre ont des antécédens administratifs et une notabilité parlementaire qui les rendent propres à gouverner ; ils sont hommes d’application plutôt que de théorie, et comptent dans leur bagage plus de règles de détail que de principes généraux. Comme les whigs en Angleterre, ils forment véritablement la transition entre deux régimes, et représentent, à tous les titres, l’empire de la bourgeoisie.

Il est et il doit être dans la politique de l’opposition de favoriser