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PUBLICISTES DE LA FRANCE.

future, aigrissaient ces incertitudes. Il ne manqua rien aux épreuves du pauvre jeune homme, pas même de penser de nouveau à rentrer dans le commerce. Il y pensa, en effet, et fort sérieusement. Il choisit celui des livres, apparemment comme s’éloignant le moins de ses habitudes littéraires. Une demande de fonds fut faite à sa famille, qui lui envoya de quoi monter, en société avec un ami, une modeste librairie, qui n’eut le temps de ruiner personne. La mise de fonds seulement y périt, au moins ce qui n’en fut pas employé à faire vivre Carrel pendant quelques mois. C’est dans l’arrière-boutique de cette librairie, sur un comptoir auquel était attaché un gros chien de Terre-Neuve, que Carrel, tantôt plongé dans les recueils politiques anglais, tantôt caressant son chien favori, médita et écrivit l’Histoire de la contre-révolution en Angleterre. Ce livre parut en février 1827.

C’est le premier ouvrage où Carrel ait eu l’occasion d’exposer ou du moins de laisser voir, dans une époque analogue, son sentiment sur la politique de la restauration. On trouvera donc naturel que j’en parle avec détails. L’histoire de ses précédens écrits est presque celle de ses nécessités ; l’histoire du livre sur la contre-révolution d’Angleterre pourrait être, jusqu’à la date de la publication, celle de ses opinions. Le titre seul du livre dit assez quelle en avait été la pensée. C’est la restauration française que Carrel voulait avertir en écrivant l’histoire de la contre-révolution d’Angleterre. On commençait alors à comparer les Bourbons aux Stuarts, et cette comparaison était déjà pour quelques-uns une inquiétude, pour un plus grand nombre une espérance. Carrel était de ces derniers, ainsi que beaucoup d’esprits, non plus prévoyans, mais plus impatiens. Ce livre est donc moins une histoire qu’un pamphlet historique. Carrel expliquait la politique de Jacques II d’après le sentiment que lui inspirait celle de Charles X. Toutefois l’analogie est si parfaite entre certains hommes et certaines choses, aux deux époques, que la vérité n’a point souffert des préoccupations de l’historien, et que la comparaison du présent et du passé, au lieu d’obscurcir sa vue, l’a étendue et fortifiée. Rien n’annonce, d’ailleurs, que ce livre ait été écrit d’une main passionnée. Les adversaires les plus décidés d’un gouvernement ne sont pas toujours les plus fâchés dans l’expression. Une ambition ajournée fait plus de bruit qu’une aversion froide et implacable. Carrel parlait avec moins de colère à la restauration, qu’il regardait comme déjà morte, que beaucoup qui voulaient prolonger sa fin ignominieuse, ce qui est toujours lucratif pour peu que cette fin se prolonge. Il ne la menaçait pas pour lui faire peur, mais parce qu’il la