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harcelé sur ses derrières et sur ses flancs par l’insurrection portugaise, s’était vu forcé, par la fermeté de Wellington à Vimiero, de se retirer précipitamment sur Lisbonne, quand, le jour même de cette bataille, arriva sir Harry Burrard pour le remplacer. Et telle était alors la confusion de notre administration militaire, que le lendemain sir Harry Burrard se trouva dépossédé lui-même par sir Hugh Dalrymple. Le général victorieux pressa en vain ses supérieurs dans le commandement et ses anciens dans le service de profiter du coup qu’il avait frappé ; en vain, pour la seule fois peut-être de sa vie, les supplia-t-il de se mettre rapidement à la poursuite de l’ennemi ; leur prudence, d’autres diraient leur amour-propre, résista opiniâtrement à ses instances. On rapporte qu’alors sir Arthur ne laissa percer son mécontentement que dans ce peu de mots adressés à son état-major. « Eh bien ! messieurs, puisqu’il en est ainsi, tout ce que nous avons à faire, c’est d’aller tuer quelques perdrix rouges. » Mais, nonobstant ce mécompte ; il ne refusa point l’assistance de ses conseils au général en chef pour amener la fameuse convention de Cintra ; et quand la clameur populaire du pays s’éleva contre cette convention, il défendit dans le parlement, avec zèle et loyauté, la conduite des officiers à l’hésitation desquels il pouvait et devait imputer le peu de fruit qu’on avait retiré de sa propre victoire. Dans cette circonstance comme dans mille autres, lord Wellington a manifesté la droiture, le sentiment d’honneur qui distinguent son noble caractère ; et ce qui ne l’honore pas moins, ce sont les éloges qu’il a toujours hautement prodigués à son infortuné compagnon d’armes, sir John Moore. Il est vrai qu’en général les hommes qui ont joui d’un bonheur singulier et constant sont assez portés à juger les autres avec indulgence et candeur. Ils le peuvent sans danger comme sans retour pénible sur eux-mêmes ; et assurément jamais homme n’a été plus singulièrement favorisé par son étoile que lord Wellington dans toutes les grandes crises de sa vie. Il n’y a, si ma mémoire ne me trompe, dans le nombre de mes compatriotes et de mes contemporains à la fois, que deux hommes éminens dont on ne puisse pas citer un jugement rigoureux ou un mot de malveillance contre un rival, un ami ou un ennemi, Wellington et sir Walter Scott, l’un et l’autre les plus heureux en même temps que les plus illustres, chacun dans leur genre.

Je n’ai pas l’intention de retracer les vicissitudes de la guerre de la Péninsule. Les militaires nous ont assez inondés de mémoires, de commentaires, de souvenirs de toute espèce sur ce sujet, dont on