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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

et quand il vint, lui, le héros de tant de batailles, déclarer dans la chambre des lords que la perspective menaçante d’une guerre civile ne lui permettait pas d’opposer une plus longue résistance aux vœux du peuple irlandais, de tels sentimens dans un tel homme commandèrent le respect de ses plus fougueux adversaires. À cette époque remarquable dans la vie politique de Wellington, se rattache son fameux duel avec lord Winchilsea, l’une des colonnes du parti anglican. Lord Winchilsea avait jugé bon de publier une lettre dans laquelle il accusait ouvertement Wellington d’avoir manqué à l’honneur non moins qu’à ses principes politiques en adoptant le bill d’émancipation. Le vieux général demanda des explications, et puis envoya un cartel au noble pair. Tout cela était fort absurde. Les deux hommes d’état eurent une rencontre avec tout le sang-froid ordinaire en pareil cas. Mais lord Winchilsea ne voulut pas viser le plus grand capitaine de son pays et tira en l’air ; on assure que Wellington, au contraire, lui tira sérieusement son coup de pistolet et ne le manqua même que de fort peu de chose. L’affaire en resta là, et les deux adversaires se séparèrent aussi contens l’un de l’autre qu’on peut le supposer après cette ridicule rencontre.

Après l’acte d’émancipation catholique, l’administration Wellington et Peel perdit insensiblement de son pouvoir et de sa popularité. D’un côté, ils avaient à lutter contre le farouche ressentiment de leurs anciens alliés les tories ; de l’autre, ils avaient évoqué, dans l’influence des catholiques irlandais, un démon qu’ils n’étaient pas assez forts pour enchaîner de nouveau. Ce ministère périt en effet avec George IV, le 26 juin 1830, et presqu’au bruit du canon des trois jours. Il ne fit plus que traîner une existence languissante, jusqu’à ce qu’un vote contraire de la chambre des communes dans la discussion de la liste civile, en novembre 1830, détermina ses chefs à donner leur démission. Wellington avait déclaré, dans le cours des débats sur la franchise électorale d’East-Redford, qu’il jugeait toute innovation dans le système de la représentation nationale inutile et dangereuse. Après une pareille profession de foi, quand la volonté nationale se fut si vivement prononcée en faveur de nouvelles institutions, il se trouva rejeté par la force des choses dans une opposition sans espoir aux tendances réformistes qui se manifestaient.

Deux fois cependant depuis cette époque, en mai 1832 et en novembre 1834, la volonté royale lui a imposé la tâche de gouverner le pays dans un sens contraire à la majorité des communes, et chaque fois le fardeau comme l’impopularité de l’entreprise ont exclusive-