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COURS D’HISTOIRE ANCIENNE.

depuis lors ils passent pour être plus anciens que les Égyptiens. M. Lenormant a peut-être pris ce passage un peu trop au pied de la lettre, quand il y a vu « qu’il existait une inimitié invétérée entre les Scythes et les Égyptiens. » Les expressions de generis vetustate modifient quelque peu le diu contentio fuit. M. Lenormant va peut-être trop vite, quand, donnant « un peu plus d’extension à cette rivalité des Scythes et des Égyptiens, » il substitue aux uns toute la race de Japhet, aux autres toute la race de Cham, et voit, dans les paroles de Justin, « les peuples de Cham et ceux de Japhet préparés dès l’origine des choses à une lutte qui ne s’arrêtera qu’à l’extinction presque totale de la plus faible des deux races ; » et surtout quand il conclut que dans l’origine il n’y avait, en Asie, « que des Japétiques et des Chamites, et que les Sémites sont un produit du mélange postérieur de ces deux races. » Il n’est pas facile, en effet, de concevoir comment, du contact de deux races primitives, préparées dès l’origine des choses à une lutte acharnée, il a pu résulter une race secondaire, aussi nombreuse, aussi puissante que la race de Sem. Assurément il faudrait bien des siècles d’une inimitié invétérée, pour qu’il en pût sortir quelque résultat semblable ; à voir les choses comme le vulgaire, il semblerait que c’est non pas une inimitié, mais une amitié invétérée qu’il eût fallu en pareil cas. Ce serait une chose bien neuve que la race de Sem résultant d’une rage de destruction qui pousse les uns contre les autres les Japétiques et les Chamites. Y a-t-il donc raison suffisante pour soutenir en face à Moïse qu’il se trompe (p. 296), quand il déclare sœurs les familles de Sem, de Cham et de Japhet ? Je ne me charge point de décider ; mais je pense que Trogue-Pompée et son abréviateur Justin n’ont rien à faire dans cette question, et que la guerre d’argumens dont ils parlent a été faite, non point par les Scythes et les Égyptiens en personne, mais seulement à l’occasion des Scythes et des Égyptiens ; je pense en outre que de cette guerre il n’est jamais résulté la moindre mésintelligence entre les uns et les autres.

Cependant, indépendamment des dires de Trogue-Pompée, M. Lenormant ne renonce point à mettre les Scythes aux prises avec les Égyptiens. Les grandes scènes militaires, copiées sur les vieux monumens de l’Égypte, nous représentent les rois de la dix-huitième dynastie faisant une guerre continuelle à des étrangers dont le nom, déchiffré à l’aide de l’alphabet phonétique, se lit Scheto. De Scheto à Scythes, il n’y a qu’un pas ; et ce pas, M. Lenormant le franchit sans hésiter. Certainement Scheto représentera les Scythes au moins aussi