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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/510

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REVUE DES DEUX MONDES.

sonné le premier la trompette, long-temps avant que la dissolution eût acquis un caractère officiel, le parti carliste se flattait de jouer un grand rôle dans les élections, de s’y fortifier pour son propre compte, et quand il ne triompherait pas sous son drapeau, de faire pencher la balance du côté où il se porterait. On le croyait décidé à prendre part, plus qu’il ne l’a fait, au mouvement électoral ; et dans la supposition qu’il y prendrait part, on le croyait capable d’y exercer plus d’influence qu’il n’en a réellement, d’y déployer plus de forces qu’il n’en possède. L’opinion qu’il s’attachait à donner de sa puissance avait gagné dans les partis contraires. Personne n’eût été surpris de voir M. Berryer revenir à la chambre avec cinquante ou soixante voix légitimistes, qui l’auraient reconnu pour leur chef et auraient aveuglément suivi son mot d’ordre. On s’était enfin, pour tout dire, presque habitué à l’idée de voir le gouvernement et le sort des grandes questions politiques dépendre du parti carliste, et on apercevait dans cette situation la source de graves embarras, comme le germe de combinaisons nouvelles entre les divers élémens de la puissance parlementaire. Mais les choses ont tourné tout autrement ; le parti carliste n’a été rien moins qu’unanime dans les élections ; beaucoup se sont tenus à l’écart, comme par le passé ; et selon les lieux, les influences particulières, l’ardeur des ressentimens, les considérations de personnes, les uns ont fait du pessimisme, c’est-à-dire voté pour les candidats de l’opposition la plus avancée ; les autres ont embrassé le rôle de conservateurs, c’est-à-dire voté pour les candidats du gouvernement ; d’autres enfin se sont résignés à faire passer des hommes inoffensifs, estimés de tous les partis dans leur ville, hommes modérés qui suivent le plus fort sans bassesse, uniquement parce que le plus fort garantit mieux les intérêts essentiels de la société, quand il est, d’ailleurs, un gouvernement régulier. Il est résulté de tout ceci, manque de tactique, ou manque de moyens réels, que le parti carliste s’est affaibli, qu’il reviendra moins nombreux à la chambre, et que par conséquent il se perdra dans la minorité, au lieu d’y exercer l’influence prépondérante d’un arbitre.

Plusieurs triomphes de l’opinion radicale figurent aussi dans les résultats inattendus de l’appel qui vient d’être fait au pays légal. On ne croyait pas que cette opinion eût conservé ou acquis tant de puissance dans le sein du corps électoral. Mais puisqu’elle existe au sein de la nation, il n’est pas à regretter qu’elle se trouve représentée au sein de la chambre dans la proportion de ses forces. Les passions qui animent ses chefs, les théories de gouvernement dont ils se proclament les apôtres, la valeur oratoire et le mérite politique qu’une admiration sur parole attribue à quelques-uns d’entre eux, tout se produira aussi librement que le comporte la tribune de la chambre des députés, et tout sera jugé. Vues de près, transportées sur un théâtre plus vaste, appliquées à des objets nouveaux, ces facultés que l’esprit de parti exalte avec tant de chaleur, perdront peut-être beaucoup de leur éclat. Leur présence à la chambre aura d’ailleurs un autre effet. Déjà on suppose que M. Garnier-Pagès pourrait avoir des rivaux. Si c’est moins par le talent