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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 12.djvu/628

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REVUE DES DEUX MONDES.

la démagogie et la guerre servile n’y mettent ordre, au mouvement des simples soldats dans une partie d’échecs.

Dans les temps anciens, un tout petit pays comme la Grèce a pu être habité par vingt peuples divers, offrant chacun un caractère national parfaitement dessiné ; il a pu présenter, dans leur expression la plus élevée, tous les types suivant lesquels la nature humaine peut se modeler, au moral et au physique, dans l’ordre des passions comme dans celui des idées. Sur cet espace, à peine grand trois fois comme le département de Seine-et-Oise, on vit fleurir tous les arts et toutes les sciences, tous les systèmes de gouvernement et toutes les formes de société. De toutes les théories philosophiques dans le cercle desquelles le genre humain va tournant, il n’en est pas une qui n’y ait eu ses représentans, qui n’y ait été élaborée et mûrie. Aujourd’hui il n’y a plus de Grèce possible, et l’on se surprend à se demander, dans des accès de pessimisme, si cette variété infinie, cette animation, ce parfum de poésie (le mot me revient toujours) dont a joui jadis cette contrée lilliputienne, il sera possible d’en retrouver un jour les élémens, avec le même éclat et la même richesse, non pas seulement dans un état, mais dans l’étendue d’un continent entier, et même sur toute la terre prise dans son ensemble. Voici, entre mille, une des causes qui semblent légitimer ces doutes :

Quand les Grecs voyageaient sur leurs chevaux sans étriers à travers les sentiers de leurs montagnes, c’était une longue et rude entreprise, permise seulement à quelques hommes puissans ou à quelques hardis philosophes, que d’aller d’Athènes à Sparte ; c’est à peu près la distance de Paris à Orléans. Aujourd’hui, sur les bateaux à vapeur, qui n’ont cependant que trente ans d’existence, nous faisons déjà six lieues à l’heure. Et sur les chemins de fer, qui sont plus nouveaux encore que les bateaux à vapeur, car les enfans de dix ans les ont vus naître, rien n’est plus commun que la vitesse de dix lieues à l’heure. Lors des dernières élections, un courrier expédié de Liverpool à Londres a parcouru, à raison de vingt-deux lieues à l’heure, le chemin de Manchester à Birmingham ; et sur le chemin de Carlisle à Newcastle on atteint, par instant, celle de vingt-quatre lieues. Le vieux Stephenson assure qu’il ne sera content que quand il se sera fait transporter à raison de quarante lieues à l’heure. Or, le tour du monde n’est que de dix mille lieues, pas davantage. Cavons au plus bas, et calculons sur le pied de dix lieues à l’heure. À ce compte, combien faudrait-il de temps pour faire le tour du monde ? Quarante-deux jours. Prenons pour base la vitesse actuelle du chemin