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LA RÉPUBLIQUE D’ANDORRE.

lace des coquilles univalves et bivalves, qui constituaient la classe la plus pauvre de ce temps-là. Mais pour nous, gens du lendemain, ce sont des crises favorables et de grands bienfaits, car nous devons à ces révolutions une bonne partie de nos richesses minérales.

Vicdessos a obtenu un excellent lot dans cette distribution de trésors souterrains. Dans un rayon de cinq à six lieues autour de ce village, on trouve quelques-unes des plus belles carrières de plâtre que les Pyrénées possèdent, une mine de plomb (celle d’Aulus), anciennement exploitée, et qui donne de nouveau de belles espérances ; d’autres mines de plomb et de cuivre, d’argent, et même d’or, qui furent travaillées par les Romains, et plus tard par les Arabes. L’Ariége charrie des paillettes d’or, et c’est à cela qu’il doit son nom. Enfin, à deux pas de Vicdessos est la mine de fer de Rancié, l’une des plus vastes, des plus abondantes et des plus pures qu’il y ait au monde.

La mine de Rancié, qui est la fortune de la vallée de Vicdessos, est ouverte depuis des siècles ; elle alimente presque toutes les forges catalanes du midi, forges où le fer se fabrique, non d’après les procédés anglais, mais d’après une méthode usitée bien avant les Romains[1].

  1. Jusqu’au moyen-âge, le fer était fabriqué en tous pays, par petites quantités, dans de petits foyers, et en une seule opération. Depuis six à huit siècles, ce procédé a fait place à un autre qui consiste à employer de grands appareils appelés hauts-fourneaux, au moyen desquels on crée, par grandes masses, un produit intermédiaire appelé fer fondu ou fonte, que l’on convertit ensuite en fer forgé par une seconde opération nommée affinage. La méthode antique, quoique directe, a partout été effacée par la méthode nouvelle, quoique celle-ci soit plus compliquée ; car les métallurgistes ont reconnu ce qui était déjà admis par les hommes d’état, que la ligne droite n’était pas toujours le plus court chemin d’un point à un autre. Dans les forges catalanes, c’est encore la méthode des anciens que l’on suit ; mais elle y a été graduellement améliorée, et à cause de ces perfectionnemens et de ceux plus considérables qui semblent assurés pour une époque prochaine, elle continuera à prévaloir dans des localités telles que les Pyrénées, où il existe des minerais d’une richesse exceptionnelle. Le nombre des forges catalanes est, en France, de 102, dont 50 dans le seul département de l’Ariége, et 17 dans le département contigu de l’Aude. Toutes les forges de l’Ariége réunies donnent annuellement 55,000 quintaux métriques de fer. Une seule usine à la moderne, comme celle de Decazeville (Aveyron), pourrait produire 100,000 quintaux métriques.

    L’un des avantages de la méthode catalane consiste en ce qu’elle n’exige qu’une faible mise de fonds. C’est environ 25,000 francs pour une forge à un feu. Elle se distingue aussi, en France, par une singularité politique et sociale, dont aucune autre industrie n’offre un exemple aussi caractérisé. Les ouvriers dirigent la forge à peu près à leur gré ; ils font, même en matière de salaires, la loi à leur maître, d’après des tarifs anciennement convenus. Les maîtres semblent s’être complètement résignés à ce rôle subalterne. Autrefois, ils avaient, en compensation, des bénéfices considérables, aujourd’hui, le maître de forge n’a guère plus de profits que deux ensemble de ses quatre principaux ouvriers. Le nombre des ouvriers attachés à une forge est de huit.

    La concurrence des grandes forges à l’anglaise déjà établies dans quelques départemens du