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LES CÉSARS.

Crieur, que faites-vous donc ? Ne voyez-vous pas qu’Aponius hoche la tête ? Il accepte mon prix. Treize gladiateurs pour 9,000,000 de sesterces (1,743,750 francs) ! » Aponius s’éveilla ruiné. D’autres, forcés d’acheter (et il n’y avait pas à diminuer des mises à prix de César), sortirent de la salle de vente pour aller s’ouvrir les veines.

Pour cette fois, Caïus devait avoir de l’or ; l’or affluait à lui de tous les côtés ; tout se payait, et se payait au prix de César, jusqu’à l’honneur d’être son prêtre qu’il mit en vente, et pour lequel Claude donna une somme énorme. L’or lui venait de la Gaule, de l’Égypte, de la Syrie. Toutes les parties du monde apportaient leur tribut. L’or était devenu sa passion la plus ardente ; il voulait le voir, le remuer dans ses mains. Courage, Caïus ! voici une grande salle toute remplie d’or, le plus doux des tapis pour tes pieds d’empereur ; ôte tes sandales pour y courir ! couche-toi là ! roule-toi sur ces milliards ! Tu es au comble de tes vœux, Caïus, tu es riche une seconde fois !

La chronologie de ces temps est fort difficile, vous me pardonnerez de ne pas la suivre : j’aurais dû vous parler d’abord des expéditions militaires de Caïus, car ce furent elles qui l’amenèrent en Gaule, et c’est en Gaule que lui vinrent toutes ces belles idées. Avant ce voyage, l’Italie semblait déjà épuisée ; la Gaule et l’Espagne le tentaient fort. Aussi, un beau jour, il déclare qu’il va faire la guerre. Il se promenait alors, visitant je ne sais quel bois, quel fleuve d’Italie. Aussitôt les légions s’assemblent, les levées se font avec rigueur. Hommes, munitions, vivres, provisions de tout genre, — gladiateurs, chevaux et cochers du cirque, comédiens, courtisanes, — Caïus emmène de tout avec lui. Il se met en route, étrange général ! tantôt si vite, que ses cohortes ne peuvent le suivre, et font porter leurs enseignes par des bêtes de somme ; tantôt lentement, paresseusement, porté par huit hommes dans une litière, envoyant devant lui le peuple des villes voisines pour balayer les chemins et jeter de l’eau sur la poussière des routes.

Il passa le Rhin. Les ennemis manquaient ; les Germains étaient quelque part dans leurs forêts à pourchasser les ours ou les sangliers, et ne s’inquiétaient pas, les malheureux, d’aller se faire vaincre par Caïus. Il leur faisait pourtant de terribles menaces, dont ils avaient la hardiesse de se moquer, jusqu’à un petit prince des Caninéfates qui prenait impunément en plaisanterie ce grand effort du maître. Caïus, il est vrai, avec son affectation d’énergie et de mâle vigueur, était, comme il arrive souvent, un poltron. Il venait de passer le Rhin ; il était au beau milieu de ses soldats, en voiture, dans un dé-