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Nous conseillons au centre gauche de rendre à son voisin le centre droit politesse pour politesse, et de ne pas être exclusif dans la première question sur laquelle la chambre devra se dessiner, celle des vice-présidences et de l’organisation du bureau. Agir autrement, ce serait se montrer aussi intolérant dans un sens que les doctrinaires l’étaient dans un autre, et, disons plus, ce serait une faute de tactique ; car maintenant la supériorité étant acquise au centre gauche, comme elle appartenait précédemment au centre droit, il lui convient d’attirer et d’absorber en lui tout ce qui est susceptible d’entrer dans la majorité dont il doit incontestablement former le noyau.

On se demande quel parti prendra le ministère dans toutes ces questions, quels candidats il adoptera plus directement comme les siens. Évidemment il ne sera pas exclusif ; il ne le peut, ni ne le doit. Encore moins croyons-nous qu’il ait l’intention de se jeter complètement à droite. Certains rapprochemens, qui ont fait beaucoup de bruit, ne peuvent aller jusque-là sans imprudence, et nous supposons qu’ils témoignent plutôt de la force du ministère que de ses craintes. On lui rend hommage en venant à lui, et c’est assez pour lui d’accueillir ceux qui se rallient à son drapeau. Ils n’ont pas de conditions à lui faire, ils ne peuvent qu’accepter les siennes. D’ailleurs la vérité des situations ne se change pas au gré de l’homme d’état. Elles dominent ses volontés ou ses caprices ; elles lui font la loi et lui montrent la route ; s’il n’y entre pas, il perd de sa force et prépare lui-même sa chute. Nous comprenons que le ministère ait à cœur de gagner, parmi ses anciens ennemis, telle capacité financière, telle spécialité économique dont l’appui lui serait utile dans une discussion embarrassante. Rien de mieux assurément : c’est de la politique, et pour s’être heurté une fois ensemble sur le chemin des affaires, on ne doit pas rester éternellement ennemis. Mais il ne faut pas non plus retourner en arrière pour relever celui qu’on a renversé. Si l’on se retrouve, tant mieux ; mais on ne doit pas se rechercher. C’est un aveu d’impuissance ou de faiblesse que les partis et les ministères, qui sont toujours des partis, bon gré mal gré, ne font pas impunément.

La situation du ministère est bonne, on ne saurait le nier. Cependant elle a ses difficultés naturelles au début d’une session, et, qui plus est, au début d’une législature nouvelle. Ces difficultés proviennent surtout de l’incertitude d’esprit où l’on peut supposer qu’arriveront à la chambre les nouveaux députés, qui en forment à peu près le tiers. Mais il y a pour le ministère un moyen de fixer l’irrésolution de tous ceux qui n’ont pas de parti pris, et c’est le plus grand nombre. Le moyen, c’est que le ministère marque tout d’abord très nettement sa propre position, et cela conformément à son passé. Qu’il hésite, qu’il attende l’impulsion, qu’il semble avoir besoin de certaines alliances, on le croira faible, on le croira dominé ; il y aura confusion dans les idées, et personne ne saura plus à quoi s’en tenir. Eh bien ! nous croyons que cette position sera hautement prise dans le discours de la couronne, et que tout le monde y pourra reconnaître un plan de politique bien arrêté, à tendances libérales pour le dedans, nationales pour le dehors.

Au reste, il se pourrait faire que l’année atteignît son dernier jour, sans que la chambre fût définitivement constituée. La vérification des pouvoirs demandera beaucoup plus de temps qu’à l’ordinaire, à cause du grand