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lantes, désertes, pestilentielles, de la Bulgarie, pour y récolter le blé abandonné par les Turcs ; la fatigue et la maladie décimaient ce malheureux peuple. Chaque guerre nouvelle épuisait son sang.

Pendant les six ans de l’occupation russe, de 1806 à 1812, des évènemens graves se passaient en Europe, dont chacun exerçait son action sur les cabinets des puissances, et changeait leur opinion sur l’état politique des deux principautés. Tour à tour l’alliance de la Russie et de l’Angleterre contre la Porte, la secrète alliance de cette dernière avec Napoléon, la paix de Tilsitt, l’entrevue d’Erfurth, remettaient en question l’avenir de la Valachie et de la Moldavie. Alors, pour la première fois peut-être, les cabinets de France et d’Angleterre, s’occupèrent des Moldovalaques. Un instant Napoléon consentit à ce que la Russie incorporât à son empire ces provinces si convoitées : les hostilités recommencèrent, et ce projet ne put se réaliser. Par le traité de Bucharest, la Russie, renonçant à l’occupation, devint maîtresse de la partie de la Moldavie comprise entre le Pruth et le Dniester, sous le nom de Bessarabie : cession à peu près bénévole, que Demetrius Mourouzi paya de sa tête, car les troupes russes étaient forcées de se retirer pour faire face à Napoléon qui marchait sur Moscou. Quant au territoire cédé, il fut définitivement englouti par la Russie : les Fanariotes reprirent les rênes du gouvernement, et suivirent la marche de leurs prédécesseurs.

En 1821 éclate cette conspiration colossale, depuis long-temps préparée, et qui devait se révéler simultanément sur tous les points de la Turquie européenne : trame complexe dont les fils resteront long-temps mystérieux. En Valachie, aucun indigène n’était initié à ce grand secret ; à peine quelques personnes avaient-elles reçu des communications secondaires : le pays restait étranger à l’œuvre souterraine. Pourquoi le prince régnant de Valachie avait-il disparu tout à coup ? Nul ne le sait. Avait-il refusé de prendre part au complot, et un bienfaisant breuvage l’envoya-t-il (comme on le prétend) dans l’autre monde, pour y réfléchir sur son imprudence ? La retraite du prince de Moldavie succéda immédiatement à l’apparition d’hommes armés, la plupart étrangers : Bulgares, Serbes, Albanais, gens sans aveu, réunis sous des chefs de même espèce. Ce fut un absurde chaos, un tumulte effroyable ; des proclamations apocryphes furent lancées ; personne n’y comprit rien.