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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/187

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L’INSTRUCTION PUBLIQUE À ROTTERDAM.

et seul il suffit à toute son école. Il consacre sa vie à cette sainte mission ; il connaît individuellement chacun de ses élèves, et il s’applique à gagner leur confiance. Il peut donc les suivre, et il les suit en effet au dehors de la maison. C’est sur sa recommandation qu’on les place, et il entretient une correspondance régulière avec chacun d’eux. Mais pour qu’un tel gouvernement soit possible, il ne faut pas qu’il y ait dans l’école un trop grand nombre d’enfans ; car alors tout ce que peut faire un seul homme, c’est de les enseigner de son mieux, tant qu’ils sont entre ses mains : il lui est impossible de suivre dans la vie des milliers d’élèves. Quand donc, dans un semblable établissement, il y a beaucoup de jeunes détenus, il faut soigneusement les diviser, et les confier, par divisions de cinquante à soixante au plus, à un seul maître auquel on doit expressément imposer, non-seulement le soin de l’enseignement, mais celui de l’éducation, et non-seulement la responsabilité du présent, mais la surveillance de l’avenir.

Je m’étonnais que l’unique maison centrale de détention pour les jeunes garçons, dans toute la Hollande, ne contînt que soixante à quatre-vingts détenus sur une population de deux millions d’habitans ; mais, pour trouver l’explication de ce phénomène, je n’avais qu’à songer à ces excellentes écoles de pauvres que j’avais partout rencontrées. Les dépenses des villes pour ces écoles produisent donc ce résultat, qu’il y a moins de délits et de crimes, et, par conséquent, elles diminuent les dépenses pour la police, la répression et la correction. À Rotterdam, ville de commerce de près de cent mille ames, toute remplie de marchandises, et où la multiplicité des canaux et des ponts rend les vols et même les crimes si faciles, les vols sont rares, et ceux par effraction et accompagnés de violence le sont tellement, que nos conducteurs m’ont affirmé qu’il leur serait mal aisé de s’en rappeler quelques-uns. J’admire avec douleur le zèle inconséquent de certains philanthropes, et même de certains gouvernemens qui s’occupent avec tant de soin des prisons et négligent les écoles ! Ils laissent se former le crime et s’enraciner les vicieuses habitudes dans l’absence de toute culture et de toute éducation pendant l’enfance ; et quand le crime est formé, quand il est robuste et vivace, ils entreprennent de se mesurer avec lui ; ils essaient ou de le terrasser par la terreur et le châtiment, ou de le séduire, en quelque sorte, par