Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
LITTÉRATURE CATHOLIQUE.

Contre elle de tous points se pressent froids et nus.
Un de ses bras les tient, l’autre bras en implore ;
Elle en cache à son sein, et son œil cherche encore.
Quelques-uns, par derrière, atteignant à ses plis,
Et sentis seulement, sont déjà recueillis.
Jamais, jamais assez, ô sainte Hospitalière !
Mais ce que Raphaël en sa noble manière
Ne dit pas, c’est qu’au cœur elle a souvent son mal
Elle aussi, — quelque plaie à l’aiguillon fatal ;
Pourtant, comme à l’insu de la douleur qui creuse,
Chaque orphelin qui vient enlève l’ame heureuse !


Mais cet ulcère que la Charité a quelquefois au sein et que Raphaël n’indique pas, il suffit d’avertir qu’il existe sans qu’il faille pourtant le faire toucher. J’en dirai autant du chapitre de maître Conrad et du détail de ses duretés révoltantes. Ce vilain côté me rappelle le bourreau qui, durant ce noble combat des poètes à la Wartbourg, se tenait, corde en main, pour pendre, séance tenante, le chantre vaincu. L’auteur, s’il n’était qu’artiste, s’il n’avait traité que poétiquement son sujet, aurait pu indiquer plus brièvement ce rôle de maître Conrad, et l’effet céleste du visage et de l’attitude de la sainte, devant nos yeux mortels, y aurait gagné. Mais l’ame, à la fin de ce chapitre, est du moins abondamment rafraîchie et satisfaite par ce baiser d’union que la reine Blanche, la mère de saint Louis, donne à sainte Élisabeth sur le front du jeune fils de celle-ci, qui lui était présenté. La mort de la sainte et ces anges sous forme d’oiseaux qui lui chantent sa délivrance, la canonisation et ses splendeurs, et ses sereins et magnifiques tonnerres, achèvent divinement et glorifient le récit de tant de souffrances, de tant d’humbles vertus. Les reliques de sainte Élisabeth sont dispersées à l’époque de la Réforme, et sa chapelle reste sans honneur ; mais son cœur, déposé à Cambrai, va y attendre celui de Fénelon.

Le style de ce livre est grave, nombreux, élevé, élégant ; il prend, par momens, avec bonheur, les accens de l’hymne. J’y relève à peine quelques incorrections, quelques locutions impropres qui font tache légère. Ainsi, dans ce style de couleur exacte et simple, le château de la Wartbourg ne devrait jamais être désigné, ce me semble, comme le centre du mouvement politique et administra-