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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/211

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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

ment et le théâtre, si bien que si une fièvre, une migraine, une entorse eût forcé subitement le narrateur à garder la chambre, ou si seulement il était arrivé cinq minutes plus tard sur un point donné, son histoire était coupée par le milieu et s’arrêtait court, sans pouvoir s’acheminer vers son dénouement. Mais enfin la parodie, comme nous l’avons dit, n’a pas à veiller de si près à son ajustement, et pourvu qu’elle parvienne à en attacher tant bien que mal toutes les pièces, il importe peu que ce soit avec un nœud grossier, fait d’un bout de ficelle ou par une couture serrée et correcte. Cette négligence lui donne même je ne sais quel air de liberté cynique qui, dans une certaine mesure, ne lui messied pas.

M. Janin a certainement fait bonne mesure à cette liberté ; mais il sait, à un grain près, quelle est la dose supportable, et jamais il ne la force de ce grain. Il semble qu’il ait emprunté la lanterne de Diogène, non pas pour trouver un homme, mais pour fouiller du regard au fond de la sentine du cœur humain. Il semble que, nous promenant à travers toutes les horreurs et toutes les ignominies du monde physique et du monde moral, il veuille étaler et retourner à nos yeux tout ce qu’elles ont de crudité fétide, profonde et inexplorée ; mais au moment où le dégoût va nous faire détourner la tête, sa lampe s’éteint toujours à propos, comme dans le cachot de son Henriette, et par un coup de baguette magique il évoque autour de nous des images fraîches et riantes. Les contrastes vifs, saisissans, multipliés, sont un des moyens qu’il a le plus habilement employés. Des chutes brusques, des conclusions inattendues, des rapprochemens pleins de finesse, d’à-propos et d’impromptu, une grande verve comique, des mots heureux, viennent à chaque instant ouvrir des issues donnant sur quelque côté plaisant ou gracieux de la nature et de la vie humaine, à l’esprit du lecteur oppressé par ce cauchemar factice qu’il se laisse imposer.

Je n’ai rien à dire de la Confession, car je n’y ai rien vu, rien compris. C’est un homme qui se marie, et qui, la première nuit de ses noces, oublie le nom de sa femme, et l’étrangle en croyant l’embrasser. Dans la soirée, la voyant danser, il en était devenu monstrueusement jaloux ; quand il l’a tuée, il en a des remords ; il ne pleure pas, mais il veut se confesser, et quand le confesseur