Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
REVUE DES DEUX MONDES.

mise bien mieux à sa place dans la bouche d’une bonne grand’mère disant à ses petits enfans : « Ceci vous apprend que le vice est toujours puni, et que la vertu trouve tôt ou tard sa récompense. « C’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, vraiment ! Mais encore, comment M. Janin a-t-il fait jaillir cette morale de sa fable ?

Deux jeunes gens bons, simples, sont élevés ensemble, et l’un par l’autre au village. Ils s’aiment tous les deux de l’amitié la plus tendre et la plus dévouée. Un jour ils se quittent ; Christophe, qui était un enfant trouvé et un frère ignorantin, devient, à force d’ignorance du monde et d’honnêteté, un diplomate du premier ordre, et le gendre d’un duc, homme d’état influent ; Prosper, à force d’expérience acquise, finit par se déshonorer irrémissiblement, par les moyens qu’il emploie pour se réhabiliter et forcer la considération. Voilà qui est déjà passablement étrange, et les détails ne pallient pas cette étrangeté.

Dans la première des quatre parties de son ouvrage, partie que l’auteur se disait sûr de bien écrire, parce que dans cette période son héros est jeune, son héros n’est pas jeune un seul moment. À sept ans, M. Janin lui donne pour passion, l’ambition ; puis, après nous avoir annoncé un ambitieux, il nous montre un enfant passionné de grec et de latin, qui ne fait que du grec et du latin durant un quart du roman, avec son ami Christophe. Enfin, un jour, notre ambitieux, qui ne songeait pas à quitter son village ni ses livres, ni son ami le frère ignorantin, est averti par son père qu’il est arrivé à l’âge de pourvoir lui-même à son existence. Nous voici à la vingtième année de Prosper, et jusque-là nous n’avons eu en lui ni un enfant, ni un jeune homme, ni un ambitieux. Nous ne lui avons connu qu’une seule passion, celle de la lecture d’Homère et de Virgile, passion bien grave pour un enfant, bien calme pour un jeune homme, bien innocente pour un ambitieux qui avait à sept ans sa passion sociale ; passion enfin qui ne porte le germe d’aucun des évènemens qui doivent suivre.

À Paris, où il est venu à tout hasard et sans but arrêté, avec deux lettres de recommandation, l’une de sa mère pour un frère qu’elle a perdu de vue depuis vingt ans, l’autre de Christophe pour une comtesse sur les terres de laquelle l’ignorantin avait été recueilli ; à Paris, Prosper tombe, sans s’en douter, dans les mains