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Je m’embarque aujourd’hui sur la plaine brumeuse
Où le vent souffle, et sans repos
Hérisse les crins verts de la vague écumeuse
Et bondit sur son large dos.

À travers le brouillard et l’onde qui me mouille,
Les cent voix du gouffre béant,
Je m’en vais aborder ce grand vaisseau de houille
Qui fume au sein de l’Océan,

La nef aux flancs salés qu’on nomme l’Angleterre.
Ô sombre et lugubre vaisseau,
Je vais voir ce qu’il faut de peine et de misère
Pour te faire flotter sur l’eau !

Je vais voir si les mers nouvelles où tu traînes
La flottille des nations
Auront moins de vaincus, de victimes humaines,
Ensevelis dans leurs sillons ;

Si le pauvre Lazare est toujours de ce monde,
Et si, par ta voile emporté,
Toujours les maigres chiens lèchent la plaie immonde
Qui saignait à son flanc voûté.

Ah ! ma tâche est pénible et grande mon audace ;
Je ne suis qu’un être chétif