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LAZARE.

Ce n’est plus désormais qu’une machine vile
Qui traîne, sans finir, son rouage inutile ;
Pour lui le ciel est vide et le monde désert ;
L’été, sans l’émouvoir, passe comme l’hiver ;
Le sommeil, quand il vient, ne lui porte aucun rêve ;
Son œil s’ouvre sans charme au soleil qui se lève ;
Il n’entend jamais l’heure, et vit seul dans le temps
Comme un homme la nuit égaré dans les champs ;
Enfin, toujours muet, la salive à la bouche,
Incliné nuit et jour, il rampe sur sa couche ;
Car, le rayon divin dans le crâne obscurci,
L’homme ne soutient plus le poids de l’infini ;
Loin du ciel il s’abaisse et penche vers la terre :
La matière sans feu retourne à la matière.

Maintenant, écoutez cet autre en son taudis ;
Sur sa couche en désordre et quels bonds et quels cris !
Le silence jamais n’habite en sa muraille ;
La fièvre est toujours là le roulant sur la paille,
Et promenant, cruelle, un tison sur son flanc ;
Ses deux yeux retournés ne montrent que le blanc ;
Ses poings, ses dents serrés ont toute l’énergie
D’un ivrogne au sortir d’une sanglante orgie.
S’il n’était pas aux fers, ah ! malheur aux humains
Qui tomberaient alors sous ses robustes mains !
Malheur ! la force humaine est double en la démence.
Laissez-la se ruer en un espace immense ;
Libre, elle ébranlera les pierres des tombeaux,
Des plus hauts monumens les solides arceaux ;
Et ses bras musculeux et féconds en ruines
Soulèveraient un chêne et ses longues racines ;
Mais, couché sur la terre, en éternels efforts
Le malheureux s’épuise, et devant ses yeux tords
Le mal, comme une roue aux effroyables jantes,
Agite de la pourpre et des lames brûlantes ;
Et la destruction, vautour au bec crochu,
Voltige, nuit et jour, sur son front blême et nu ;
Puis les longs hurlemens, les courts éclats de rire,