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Comme si la pressant sur mon sein étouffant,
Mes baisers corrupteurs et ma tendresse impure
Avaient pu ternir l’or de sa jeune nature ;
On enleva ma fille à mon cœur amoureux,
Et, pour mieux empêcher l’étreinte du lépreux,
On fit entre les bras de l’enfant et du père
Passer la mer immense avec son onde amère.

Ah ! pour l’homme qui porte en sa veine un beau sang
Il n’est pas de torture et d’affront plus cuisant !
Oh ! quels coups malheureux ! Oh ! quelle horrible lame
Que celle qui s’en va percer l’ame de l’ame,
Le divin sentiment, ce principe éternel
Des élans du poète et du cœur paternel !
Ô morsures du feu sur les membres livides,
Ô fouets retentissans des vieilles Euménides,
Supplices des païens, antiques châtimens,
Oh ! qu’êtes-vous auprès de semblables tourmens !

Et voilà cependant, voilà les rudes peines
Que m’ont fait endurer les colères humaines,
Voilà les trous profonds que des couteaux sacrés
Ont fait pendant long-temps à mes flancs ulcérés ;
L’éternel ouragan, la bruyante tempête,
Qui jusqu’au lit de mort hurlèrent sur ma tête,
Et rendirent mon cœur plus noir et plus amer
Que le fenouil sauvage arraché par la mer,
Et le flot écumeux que la vieille nature
Autour de l’Angleterre a roulé pour ceinture.

Westminster ! Westminster ! Oh ! n’est-ce point assez
De mon enfer terrestre et de mes maux passés ?
Par-delà le tombeau faut-il souffrir encore ?
Faut-il être toujours le Satan qu’on abhorre ?
Et mes remords cachés et leur venin subtil,
Et le flot de mes pleurs dans les champs de l’exil,
Et l’angoisse sans fin de ma longue agonie !
N’ai-je pas expié les fautes de ma vie ?