Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
293
LAZARE.

Et si son bras plus dur que celui de la mort
Pour se venger aussi ne fait pas un effort,
Et frappant à son tour la victime qui tombe
Ne poursuit pas son ombre au-delà de la tombe.

Vieille et sombre abbaye, ô vaste monument
Baigné par la Tamise et longé tristement
Par un sol tout blanchi de tombes délaissées !
Tu peux t’enorgueillir de tes tours élancées,
De ta chapelle sainte aux splendides parois,
Et de ton seuil battu par la pourpre des rois !
Tu peux sur le granit de tes lugubres dalles
Étaler fièrement tes pompes sépulcrales,
Les sublimes dormeurs de tes tombeaux noircis,
Tes princes étendus sur leurs coussins durcis,
Et tous les morts fameux dont la patrie entière
Conserve avec respect l’éclatante poussière !
Malgré tant de splendeur et de noms illustrés,
Tant de bustes de pierre et de marbres sacrés,
Malgré le grand Newton et le divin Shakspeare,
Et le coin adoré des rêveurs de l’empire,
Ô monument rempli de lugubres trésors !
Ô temple de la gloire ! ô linceul des grands morts !
On entendra toujours des ames généreuses
Venir battre et heurter tes ogives poudreuses.
Des ames réclamant au fond de tes caveaux
Une place accordée à leurs nobles rivaux,
Et toujours, vieux Minster, ces ames immortelles
Te frapperont en vain de leurs puissantes ailes,
Et leurs cris dédaignés, leurs funèbres clameurs,
Dans le vaste univers soulèveront les cœurs.