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LAZARE.


II.

Moi, de mes larges mains l’or a fui par torrents :
Le fleuve ardent partout s’est ouvert une issue
Irrésistible ; il a franchi le seuil des grands,
Et retombant en pluie au milieu de la rue,
Pénétré sans effort jusques aux derniers rangs.

I.

Souvent j’ai rencontré dans les pauvres familles
Des hommes vertueux — mais d’un air furibond,
Devant eux j’ai levé tant de sombres guenilles,
J’ai tant crié la faim, qu’ils ont baissé le front
Pour ne point voir mourir leurs femmes et leurs filles.

II.

Quelquefois j’ai vu l’or épouvanter les yeux,
Alors aux ouvriers sans travaux ni commandes,
J’ai promis tant de brocs de porter écumeux,
Tant de poissons salés et tant de rouges viandes,
Que le ventre a dompté les cœurs consciencieux.

I.

Il est vrai que toujours de généreuses ames
Tonneront contre nous dans le temple des lois,
Que l’on nous flétrira des noms les plus infâmes :
Mais qu’importe, après tout, le bruit de quelques voix
Contre le fort tissu de nos puissantes trames ?

II.

Ah ! depuis cinq cents ans n’est ce point notre sort ?
Tout nouveau parlement, comme bêtes sauvages,
Nous traque avec ardeur et toujours à grand tort ;
Car l’amour du pouvoir croissant d’âges en âges,
Notre couple vaincu renaît toujours plus fort.