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LAZARE.

Ô nourrice plaintive, ô nature, prends-moi,
Et laisse-moi vers Dieu retourner avec toi.


III.

LA NATURE.


Ô mon enfant chéri, toi qui m’aimes encore,
Et devines en moi ce que la foule ignore,
Toi qui, laissant hurler le troupeau des humains,
Viens souvent m’embrasser, me presser de tes mains,
Et roulant par les airs des plaintes enfantines,
Sur mon sein verser l’or de tes larmes divines ;
Oh ! je comprends tes cris, tes mortelles frayeurs,
Et dans tes yeux gonflés la source de tes pleurs ;
Je conçois ce que vaut pour l’ame droite et pure,
Pour le cœur déchiré par l’ongle de l’injure,
Pour un amant du bon et du beau, dégoûté
Des fanges de ce monde et de sa lâcheté,
Le sauvage parfum de ma rustique haleine ;
Je conçois ce que vaut la douceur souveraine
Des vents sur la montagne à travers les grands pins,
La beauté de la mer aux murmures sans fins,
Le silence des monts balayés par la houle,
L’espace des déserts où l’ame se déroule
Et l’aspect affligeant même des lieux d’horreur,
Où le cœur se soulage et qui parlent au cœur.
Aussi pour rassurer ton ame, ô mon poète,
Et pour te consoler je ne suis point muette ;
Bien que le livre obscur du lointain avenir
Ne puisse sur mon sort devant toi s’entr’ouvrir,
Que dans le mouvement d’une vie incessante,
Un bandeau sur les yeux je conçoive et j’enfante,
Je puis crier pourtant, et les sublimes voix
Qui s’élèvent des monts, des ondes et des bois,
L’hymne aux vastes accords, l’harmonieux cantique
Qui monte jour et nuit du globe magnifique,
Dans ton oreille chaste à longs flots pénétrant