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vient la race puissante des géans, et c’est ainsi que Brahma enfanta par sa bouche la race des Brahmas, par son bras celle des guerriers, par sa cuisse celle des laboureurs, par son pied celle des parias.

Cependant la vache Audumbla se nourrissait en léchant les pierres couvertes de givre. Le premier jour le mouvement de sa langue fit pousser sur la pierre des cheveux ; le second il en sortit une tête ; le troisième jour, un homme se leva. C’était Bor. Il épousa la fille d’un géant et mit au monde trois fils : Odin, Vili et Ve. Tous trois se réunirent et tuèrent Ymer, le Titan Scandinave. Son sang, qui coulait à flots, noya les autres géans, à l’exception de l’un d’eux qui s’enfuit avec sa femme dans un bateau et s’en alla ailleurs propager sa race. Avec le sang d’Ymer, les fils de Bor firent la terre, avec son sang la mer et les lacs, avec ses os les montagnes, avec ses dents les pierres ; avec son crâne ils formèrent la voûte du ciel, qui est portée par quatre nains, avec sa cervelle les nuages ; avec ses sourcils ils élevèrent une palissade pour les protéger contre les géans ; avec les étincelles de feu qui tombèrent de Muspelheim ils formèrent les astres et les étoiles.

Cependant il y avait encore dans le pays des géans un homme appelé Nor. Sa fille fut la nuit, et elle enfanta le jour. La nuit parcourut le ciel sur un cheval qui secoue à chaque pas son frein écumant. C’est de là que vient la rosée. Le jour est conduit par un coursier impétueux, qui, de sa crinière brillante, éclaire la terre. Le soleil et la lune sont deux beaux enfans qu’Odin enleva à leur père. Ils sont poursuivis par deux loups, qui menacent à chaque instant de les engloutir. Voilà pourquoi ils courent si vite. La même croyance se retrouve chez plusieurs peuples. Une tradition mongole rapporte que les dieux voulurent un jour punir Aracho d’un crime qu’il avait commis ; mais il se déroba à leur poursuite. Ils le cherchèrent de toutes parts sans pouvoir le découvrir ; puis ils demandèrent au soleil où il était, et le soleil ne leur donna qu’une réponse peu satisfaisante. Ils s’adressèrent à la lune, qui découvrit sa retraite. Depuis ce temps, Aracho poursuit sans cesse le soleil et la lune ; et quand il arrive une éclipse, les habitans du Mongol pensent que l’ennemi des dieux vient de se jeter sur un des astres qu’il cherche à engloutir, et, se rassemblant en toute hâte, ils poussent de grands cris, afin de l’effrayer.

Le monde Scandinave était créé ; Odin avait peuplé le ciel, et les géans habitaient la contrée lointaine que la théogonie islandaise ne désigne pas. La terre était encore déserte. Un jour, en passant sur le rivage de la mer, les dieux aperçurent deux rameaux d’arbre flottans. Ils les ramassèrent et en firent l’homme et la femme. L’homme s’appela Ask, la femme Ambla. Le premier leur donna l’ame et la vie, le second le mouvement, le troisième la parole, l’ouïe et la vue. Le dernier acte de la création est un nouvel emblème du sentiment religieux que les anciens peuples mani-