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RAYNOUARD.

de retour au sortir d’une révolution qui avait aboli et dépouillé les ordres religieux. Cette tragédie, c’était les Templiers.

L’auteur des Templiers, M. François-Just-Marie Raynouard, naquit à Brignolles, le 8 septembre 1761. Après avoir fait ses humanités au petit séminaire d’Aix avec grand succès, il alla prendre ses grades à l’école de droit d’Aix. Sans doute il revenait souvent à cette époque au sein de sa famille, qu’il aima toujours d’une affection austère et profonde ; nous savons que la veille de sa thèse il était à Brignolles, et que, parti le matin à pied, selon une habitude toujours conservée, il arriva à temps pour soutenir d’une manière brillante cet acte public. Ceci se passait en 1784, et ce fut aussi à cette époque que M. Raynouard vint à Paris avec des projets littéraires arrêtés, et (ce qui valait beaucoup mieux, non pour sa fortune peut-être, mais pour sa conscience) avec une grande obstination à la probité et une horreur pour l’injustice, qu’avait soulevée et comme mise au vif en lui une mesure arbitraire dont il avait été victime au collége. Au moment où M. Raynouard arriva à Paris, les idées politiques commençaient déjà à fermenter. La littérature pourtant et la philosophie recouvraient toute la surface de leur vernis le plus brillant ; les grands hommes du xviiie siècle avaient disparu ou achevaient de mourir. Mais une génération nombreuse et vive ne laissait pas voir les pertes. L’auteur des Études de la Nature était près de succéder à Rousseau, et l’auteur de Figaro s’emparait bruyamment de la moquerie puissante de Voltaire. La poésie, qu’ornait et qu’enjolivait l’abbé Delille, offrait, comme accompagnement d’un style plus sévère, les belles odes de Lebrun, et aussi les premières élégies de Parny. M. Raynouard ne paraît pas avoir eu accès dans cette société et cette littérature si agréables et si raffinées. L’insinuation qu’il aurait fallu pour réussir, la grace flatteuse qui aurait pu gagner la faveur d’un patron puissant ou d’une grande dame à la mode, l’obséquiosité même auprès d’un homme de lettres en crédit, c’étaient des rôles qui ne convenaient guère au caractère ferme, abrupt, un peu sauvage en ses abords, loyal et noblement fier, qui dominait chez M. Raynouard. Il demeura cependant à Paris pour perfectionner ses études. C’est sans doute à cette époque qu’il suivit exactement, au Collége de France, un cours de littérature grecque dont il fut long-temps l’unique auditeur.

Nous ne sommes pas éloigné de croire que M. Raynouard fit alors quelques tentatives littéraires dont les difficultés le rebutèrent momentanément, et que, peu facile aux dégoûts des commencemens et aux obstacles sourds et obscurs des débuts, il prit la résolution de se créer avant tout l’indépendance de fortune, pour ne devoir plus qu’à lui-même ses succès, et pour écrire, famà non fame, comme disait le président de