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nistre de recommander son favori aux électeurs dont il dispose. En échange, elle s’engage à trouver quatre voix qui manquent pour compléter une majorité. Il suffit pour cela de répandre dans les couloirs de la chambre qu’une maladie mortelle, dont est frappé M. de Mirmont, va laisser au gouvernement la disposition de huit places occupées par le pauvre homme. Huit places en pareil cas valent, non pas quatre voix, mais trente. La loi passe d’emblée. L’amant de Césarine est présenté comme le candidat du ministère ; sa nomination est certaine.

En dehors de toutes ces menées, Edmond ne comprend rien à l’enthousiasme des électeurs, au retour de l’opinion qui se prononce par la voix des journaux. Son étonnement est au comble quand il reconnaît l’œuvre d’une femme qu’il devait croire son ennemie déclarée. En présence de sa bienfaitrice, il fait le désavœu de ses prétentions injustes, et la supplie de pousser la générosité jusqu’à favoriser des prétentions qu’Agathe autorise. Mme de Mirmont s’attendait à l’ardente explosion d’un amour comprimé : on s’est donc joué d’elle ? Elle étouffe de honte et de colère, et la vengeance est son plus pressant besoin. Rien n’est fait encore. Il suffit d’une lettre au ministre pour changer toutes les dispositions, et replonger l’ingrat dans le néant. Mais le message remis par Césarine aux mains de son confident Bernadet est mis en pièces avec insolence. C’est qu’Edmond a fait part au docteur de son mariage avec Agathe, et que celui-ci, à qui la belle-mère permettait un pareil espoir, croit, avec quelque apparence, qu’on l’a pris pour dupe. Survient toute la camaraderie, qui s’est mise en quête des huit places, et que la résurrection du comte voue au ridicule. On s’injurie plutôt qu’on ne s’explique. Tandis que la discorde est au camp, l’élection se poursuit à Saint-Denis, et Edmond, député, peut s’allier à la famille d’un pair de France.


À ne considérer que le mouvement scénique, ce petit roman est l’un des plus heureusement imaginés par M. Scribe. Les incidens qui le remplissent appartiennent au train journalier du monde : amenés vivement, ils s’épuisent sans embarras. Le style qui ne conviendrait pas à la vraie comédie, ne choque pourtant pas dans un pamphlet en action : c’est un fond commun et négligé sur lequel des mots sont plaqués en saillie : quelques-uns sont piquans et spirituels ; du plus grand nombre, il n’y a rien à dire, ils sont jugés depuis long-temps. En somme, la pièce amuse, et c’est un mérite assez rare pour qu’on en tienne compte. L’exécution est en rapport parfait avec la manière de l’auteur. Les acteurs ne songent pas à poser leur jeu, à dessiner des physionomies : ils courent au dénoue-