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REVUE. — CHRONIQUE.

Toutefois il y a tel grain qu’on ne peut garder toujours, et le danger d’une modification ministérielle n’en détruit pas la nécessité. On se montre aussi au château fort inquiet de la division sourde qui existe entre MM. Molé et Guizot. Ce désaccord est un obstacle à l’unité de mesures et de discours dans le conseil et dans les chambres. Qui l’emportera des deux prétendans à la prépondérance ministérielle ? Il est remarquable que, dans la chambre des députés, M. Molé, avec les habitudes de son éducation impériale, se concilie plus de faveur et de bienveillance que M. Guizot avec le faste de ses traditions parlementaires.

Peut-être attendra-t-on la discussion et le vote sur les lois complémentaires de septembre pour modifier le cabinet : ce parti ne manquerait pas de prudence. Il dépend de la chambre des députés d’obliger à la retraite la partie réactionnaire du cabinet, qui pèse à tout le monde, et dont la chute serait accueillie avec une satisfaction générale. Partout, même dans les nuances les plus conservatrices, on est inquiet et même honteux de ces recrudescences de colère et de réaction, sans motifs, sans application, sans résultats. Les hommes les plus avisés disent qu’on use ainsi, sans profit et sans cause, les ressorts même du gouvernement, et qu’on se réduit à se trouver sans armes et sans ressources, quand des conjonctures vraiment sérieuses viendraient à éclater. Il y a en effet danger pour les gouvernemens à blaser les sociétés par l’appareil souvent répété de mesures comminatoires et de grands mots ; par ces tristes moyens on ne conquiert que l’impuissance à travers l’odieux et le ridicule.

Aussi les sarcasmes ne manquent pas au cabinet. Jamais la verve de M. Dupin n’a été plus féconde ; jamais le spirituel député de la Nièvre n’a montré tout ensemble plus de sens et d’ironie. Aujourd’hui, dans le deuxième bureau où il a réuni vingt-deux voix contre dix-sept, M. Dupin a passé en revue toutes les lois proposées par le ministère ; il les a caractérisées avec cette énergie concise et piquante qu’on lui connaît. Lois de réaction, lois de famille ; tout a été l’objet de sa mordante critique. M. Dupin serait bien puissant s’il avait autant de persévérance que de saillies, et s’il se proposait ouvertement le triomphe de ses opinions politiques.