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REVUE DES DEUX MONDES.

Va, cours, porte à Cirtha le message du glaive ;
Et dis dans la mosquée à l’oreille d’Achmet :
« Lion de Constantine, à l’épaisse paupière,
Demain il faut quitter ta royale tanière.
Le chasseur a tendu son filet sous tes pas.
Dey de Mauritanie, il faut quitter ta proie,
Femmes, divans, trésors, tentes d’or et de soie,
Et la ville aux cent tours qui rugit dans l’Atlas.

Voici que défiant la nuit du cimeterre,
Les morts de Manssourah se soulèvent de terre,
Ils font sur la montagne un signe à l’horizon.
Tout un peuple les suit, et les têtes coupées,
S’entrechoquant dans l’ombre à l’éclair des épées,
Dans leurs cages de fer ont murmuré ton nom. »

ii.

Ainsi comme un coursier que son maître abandonne,
Comme un hardi simoun, dernier fils de l’automne,
Mon chant se précipite au-devant des combats.
Mais toi, peuple de France, à l’oreille superbe,
Parmi tes courtisans qui rampent comme l’herbe,
Incliné sous ton char, je te dirai plus bas :

Aussitôt que d’avril l’haleine printannière
Réjouira l’aiglon dans la tiède bruyère,
De tes dissensions étouffe les cent voix.
Remets dans le fourreau le glaive des paroles ;
Laisse là le sophisme, et ses flèches frivoles
Dormir dans le vide carquois.

Sitôt que verdira le vieux chêne des Gaules,
Quitte l’âtre enfumé. De tes lourdes épaules
Secoue en murmurant l’outrage des hivers.
Retrempe dans l’acier ton esprit qui se rouille ;
Mais garde d’emporter ta honteuse quenouille