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HISTOIRE DE VITTORIA ACCORAMBONI.

confirmer cette idée) qu’elles furent portées à cette démarche pour effectuer le mariage, le prince ayant promis à Vittoria de l’épouser aussitôt qu’elle n’aurait plus de mari.

Toutefois, ni alors ni plus tard, on n’a connu clairement l’auteur de la mort de Félix, quoique tous aient eu des soupçons sur tous. La plupart cependant attribuaient cette mort au prince Orsini ; tous savaient qu’il avait eu de l’amour pour Vittoria, il en avait donné des marques non équivoques ; et le mariage qui survint fut une grande preuve, car la femme était d’une condition tellement inférieure, que la seule tyrannie de la passion d’amour pût l’élever jusqu’à l’égalité matrimoniale[1]. Le vulgaire ne fut point détourné de cette façon de voir par une lettre adressée au gouverneur de Rome, et que l’on répandit peu de jours après le fait. Cette lettre était écrite au nom de César Palantieri, jeune homme d’un caractère fougueux et qui était banni de la ville.

Dans cette lettre, Palantieri disait qu’il n’était pas nécessaire que sa seigneurie illustrissime se donnât la peine de chercher ailleurs l’auteur de la mort de Félix Peretti, puisque lui-même l’avait fait tuer à la suite de certains différends survenus entre eux quelque temps auparavant.

Beaucoup pensèrent que cet assassinat n’avait pas eu lieu sans le consentement de la maison Accoramboni ; on accusa les frères de Vittoria qui auraient été séduits par l’ambition d’une alliance avec un prince si puissant et si riche. On accusa surtout Marcel à cause de l’indice fourni par la lettre qui fit sortir de chez lui le malheureux Félix. On parla mal de Vittoria elle-même, quand on la vit consentir à aller habiter le palais des Orsini comme future épouse, sitôt après la mort de son mari. On prétendait qu’il est peu probable qu’on arrive ainsi en un clin d’œil à se servir des petites armes, si l’on n’a fait usage, pendant quelque temps du moins, des armes de longue portée[2].

L’information sur ce meurtre fut faite par Mgr Portici, gouverneur de Rome, d’après les ordres de Grégoire XIII. On y voit

  1. La première femme du prince Orsini, dont il avait un fils nommé Virginio, était sœur de François Ier, grand-duc de Toscane, et du cardinal Ferdinand de Médicis. Il la fit périr du consentement de ses frères, parce qu’elle avait une intrigue. Telles étaient les lois de l’honneur apporté en Italie par les Espagnols. Les amours non-légitimes d’une femme offensaient autant ses frères que son mari.
  2. Allusion à l’usage de se battre avec une épée et un poignard.