Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/581

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
577
HISTOIRE DE VITTORIA ACCORAMBONI.

demandé s’il savait quelque chose touchant la mort de la signora Vittoria, et ce qui était arrivé la nuit précédente, il répondit que oui, et qu’il avait ordonné qu’on en rendît compte à la justice. On voulut mettre sa réponse par écrit ; il répondit que les hommes de son rang n’étaient pas tenus à cette formalité, et que, semblablement, ils ne devaient pas être interrogés.

Le prince Louis demanda la permission d’expédier un courrier à Florence avec une lettre pour le prince Virginio Orsini, auquel il rendait compte du procès et du crime survenu. Il montra une lettre feinte qui n’était pas la véritable, et obtint ce qu’il demandait.

Mais l’homme expédié fut arrêté hors de la ville et soigneusement fouillé ; on trouva la lettre que le prince Louis avait montrée, et une seconde lettre cachée dans les bottes du courrier ; elle était de la teneur suivante :

« AU SEIGNEUR VIRGINIO ORSINI.
« Très illustre seigneur,

« Nous avons mis à exécution ce qui avait été convenu entre nous, et de telle façon, que nous avons pris pour dupe le très illustre Tondini (apparemment le nom du chef de la corte qui avait interrogé le prince), si bien que l’on me tient ici pour le plus galant homme du monde. J’ai fait la chose en personne, ainsi ne manquez pas d’envoyer sur-le-champ les gens que vous savez. »


Cette lettre fit impression sur les magistrats ; ils se hâtèrent de l’envoyer à Venise ; par leur ordre, les portes de la ville furent fermées, et les murailles garnies de soldats le jour et la nuit. On publia un avis portant des peines sévères pour qui, ayant connaissance des assassins, ne communiquerait pas ce qu’il savait à la justice. Ceux des assassins qui porteraient témoignage contre un des leurs ne seraient point inquiétés, et même on leur compterait une somme d’argent.

Mais sur les sept heures de nuit, la veille de Noël (le 24 décembre vers minuit), Aloïse Bragadin[1] arriva de Venise avec

  1. Bragadine.