Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/648

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
644
REVUE DES DEUX MONDES.

exemple n’excuse pas l’incurie et la timidité de nos différens ministres de la guerre ; et il faut se hâter de suppléer, par les rappels sous les drapeaux et par une nouvelle levée, à l’insuffisance de notre état militaire, qui pourrait d’un jour à l’autre avoir des inconvéniens bien plus graves que celui de retarder une expédition à l’extrémité de nos possessions d’Afrique. Si nos ministres ignoraient le nombre de nos soldats, ainsi que l’état de notre matériel et de nos places fortes, ils n’avaient qu’à s’adresser aux ambassadeurs étrangers qui savent à fond ces choses, homme par homme, pièce par pièce, qui ont le compte exact de nos boulets et de nos quintaux de poudre, et qui connaissent à un écu près les valeurs que renferment nos arsenaux. C’est une affaire plus importante encore et une dépense plus urgente que la confection des routes et des chemins vicinaux ; c’est aussi une vérité assez utile à dire à la chambre pour qu’on prenne le courage de parler intelligiblement à ce souverain si flatté, qu’on n’aborde que le sourire à la bouche et le chapeau à la main.

Soit par l’effet de cette économie d’une armée que nous allons faire à Constantine, soit par tout autre motif, il paraît que les relations du cabinet actuel avec le ministère anglais se sont améliorées. Nous en féliciterions sincèrement M. Molé, si, comme nous le pensons, ce rapprochement ou cette diminution de froideur était son ouvrage et le résultat de ses soins. Ce serait un grand pas qu’il aurait fait dans le cabinet pour s’assurer une influence dont notre opinion nous fait désirer le triomphe, et il serait satisfaisant de le voir comprendre, nonobstant les erreurs de ses collègues, cette vérité incontestable, que notre force dans le Nord et le degré de considération qu’on nous y accordera dépendent uniquement du plus ou moins d’accord qui régnera entre notre cabinet et le gouvernement anglais. Toujours est-il que lord Palmerston a cru devoir donner à notre chargé d’affaires à Londres des explications au sujet de l’omission du nom de la France dans le discours de la couronne pour l’ouverture du parlement. La situation périlleuse du ministère, et ses inquiétudes au sujet de la loi des municipalités d’Irlande, lui avaient imposé la nécessité d’éviter, autant qu’il se pourrait, des complications dans la discussion, et l’annonce d’une union plus intime avec la France n’eût pas manqué de fournir de grandes argumentations au parti tory comme au parti whig exagéré, qui se plaint de notre mollesse dans l’exécution du traité de la quadruple alliance. Lord Palmerston ajoutait qu’il saisirait l’occasion de son premier discours pour détruire l’effet de cette omission, et parler de l’alliance française dans les termes les plus favorables. À la bonne heure, les accès de bile de lord Palmerston ne durent pas au moins long-temps ; et il faut espérer qu’il appuiera réellement, par le bon procédé qu’il promet, les raisons qu’il allègue en faveur de son silence.

L’affaire du Vixen occupe toujours lord Palmerston ; le Morning-Chronicle, son journal officiel, y revient sans cesse, et ce n’est pas sans raison ; car l’embarras de lord Palmerston est complexe : il se trouve avoir à choisir entre la guerre avec la Russie, s’il soutient l’illégalité du blocus, et la guerre avec le commerce anglais, qu’il n’a pas prévenu, si le blocus est reconnu légal. En attendant, le journal, qui est l’organe particulier de lord Palmerston, a reçu et publié une lettre de Constantinople, où la