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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/66

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mité du plus beau bassin et à l’embouchure du plus grand fleuve de la France, Nantes semble destinée à jouer tous les rôles qu’elle voudra tenter. De toutes nos grandes cités industrielles ou commerçantes, une seule, Lyon, pourrait l’emporter sur elle par le voisinage de Saint-Étienne. Mais que sont les meilleurs instrumens de succès sans l’adresse qui sait les mettre en œuvre, sans l’audace inventive qui les perfectionne ? Croirait-on, par exemple, que la fabrication du coton, aussi ancienne à Nantes qu’en Alsace et en Normandie, n’y a pris aucun développement, tandis qu’elle rapporte des millions à ces deux provinces[1] ?

Mais si l’industrie est encore peu cultivée à Nantes, en revanche les arts le sont prodigieusement. Une société s’est même formée sous leur invocation, et l’on s’y occupe avec ardeur de musique et de peinture. On ne saurait trop encourager cette tendance, puisqu’elle est l’indication d’un progès ; mais elle est encore trop nouvelle pour n’avoir pas son côté plaisant. En attendant que cette mode d’art se soit transformée en un goût réel, ce qui arrivera sans doute, grâce à l’influence de quelques talens vrais et inspirateurs, les comptoirs se transforment en ateliers, et les arrière-boutiques en salles de concert. Il y a maintenant autant de pianos à Nantes qu’il peut y avoir de guitares à Madrid. On en entend de tous côtés ; on en aperçoit partout. Le professeur de piano marche de pair avec le maître d’écriture et le catéchisme. Nous ne savons si cette mélomanie rendra quelque jour la population musicienne ; mais à coup sûr, elle rendra long-temps la ville inhabitable pour les oreilles délicates.

  1. L’esprit peu entreprenant des commerçans nantais est une des causes de la lenteur des progrès industriels, mais n’est point la seule. Il faut citer, parmi les plus puissantes, la difficulté de naviguer en Loire. Sous Louis XIV, les navires de trois cents tonneaux, qu’il faut maintenant décharger à Paimbœuf, montaient jusqu’à Nantes. En outre, l’étiage du fleuve jusqu’à Orléans est si variable, que les relations sont continuellement retardées ou interrompues. Si les travaux nécessaires pour la navigation de la Loire étaient exécutés, les frais de port se trouveraient considérablement réduits à Nantes, et cette ville aurait pour les arrivages et les armemens de grands avantages sur le Hâvre, où l’on ne parvient qu’en courant beaucoup de dangers. Les travaux indispensables à effectuer sur la Loire ne coûteraient que 20,000,000.

    Le commerce de Nantes n’est aujourd’hui que le vingt-huitième du commerce de toute la France. En 1790, le commerce extérieur de cette ville était de cinquante-huit mille tonneaux plus considérable que de nos jours.