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a paru naturel de conclure que le mouvement démocratique, qui en France était plus contenu par les intérêts que par les idées, continuerait de suivre son cours à mesure que les intérêts se rassureraient, et que les idées marcheraient plus libres de conséquence en conséquence. L’avénement politique de la démocratie a donc été présenté comme le terme fatal et prochain de la route frayée devant la société contemporaine ; et parce qu’on n’a pas compris la vitalité propre de l’opinion intermédiaire aujourd’hui dominante, on ne l’a guère envisagée que comme le court temps d’arrêt d’une ère de transition.

Dès-lors tous les regards ont dû se reporter vers cet autre continent où la théorie du gouvernement par la majorité numérique a reçu des applications tellement complètes, qu’aucune exigence nouvelle ne saurait se produire en dehors du cercle immense tracé par les institutions. Au milieu des préoccupations brûlantes entretenues par l’ébranlement de juillet, la France se prit donc à étudier l’Amérique, que les uns lui montraient sans cesse comme un modèle, les autres comme un écueil. Au xviiie siècle, les philosophes s’occupaient fort de la Chine, parce qu’il leur importait d’opposer le tableau d’une grande civilisation à celui de la civilisation chrétienne : de nos jours, des sollicitudes non moins vives nous ont reportés vers les États-Unis ; et, comme il était juste, la France a eu les honneurs de cette étude initiatrice. Elle ne s’est pas contentée de dessiner des parties isolées de ce vaste ensemble ; elle n’a pas jugé souverainement les Américains, avec une impertinence qui voudrait être de bonne compagnie, sur la coupe de leur habit et leurs manières peu dégagées. Prenant au sérieux cette terre où l’homme et la nature semblent lutter de grandeur et de puissance, elle a pénétré au cœur des institutions pour en saisir le génie, elle a étudié avec conscience les conditions d’une prospérité qui semble plus appartenir aux temps fabuleux qu’à notre siècle de désirs impuissans et de tentatives avortées. Deux ouvrages surtout ont fixé l’attention publique, et jeté dans la controverse une masse importante d’idées et de faits nouveaux, deux ouvrages dissemblables par la forme, peu concordans par le point de vue, mais se complétant l’un par l’autre.

L’auteur de la Démocratie en Amérique a étudié l’esprit des lois américaines en les ramenant à leur principe générateur ; l’au-